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La lettre suivante du 27 avril 1653 est évidemment celle d’une personne qui ne veut rien faire qui puisse nuire aux négociations dors s’était chargé Lenet, et qui en même temps désire donner une marque d’intérêt à l’un des chefs de la fronde, Retz, que le gouvernement venait d’arrêter et de mettre en prison. Elle consulte la prudence de Lenet sur ce procédé, qui lui tient à cœur :

« Comme[1] il ne faut rien faire en ce monde qui ne soit régulier j’envoie sçavoir sy je ne puis pas bien escrire à M. de Retz sur la prison de son frère. J’ay atendu deux ou trois ordinaires pour sçavoir si le mien[2] n’avoit point de part à leur malheur ; mais comme nous n’en sommes point esclaircis, je pense que je puis hasarder ce compliment, parce qu’il se feroit trop long-temps après ce qui l’attire, sy je le différois. Je le feray sous les réserves que je dois, et je pense mesme que c’est une des précautions que j’y puis aporter que d’en advertir votre premier ministre[3]. »

Elle avait repris sa correspondance avec ses chères et fidèles amies les Carmélites de Paris. Dans une lettre du 3 janvier 1653, on lit déjà cette phrase significative : « Si je ne conservois fortement l’espérance que Dieu me ramènera un jour chez vous à l’abri de tous ces orage du siècle, je pense que je succomberois tout-à-fait à ceux qui me persécutent. »

À mesure que les négociations commencées avancent, elle se sent de plus en plus triste, et leur succès ne lui inspire que des réflexions douloureuses.


« Bourdeaux, 5 mai 1653.

« Voilà, ma chère mère, comme mes bonheurs sont faits, car ce qui selon le monde, paroît avantageux pour moi est ce qui cause mon vrai accablement ; mais il est juste que je sois récompensée comme je la suis du siècle que j’ai préféré à Dieu… Comme cette pénitence dont je parle est une retraite qui flatte même mon amour-propre, j’ai grand sujet de craindre que, comme je cherche plutôt Dieu comme agréable, le monde ne me l’étant plus, que comme le premier doit être recherché et le dernier évité, c’est-à-dire sans admettre les sens dans cette recherche et dans cette fuite, Dieu ne refuse ce que je ne désire que pour l’amour de mon repos et non par la considération de sa gloire. Mais, ma chère mère, je n’aurois jamais fait si je voulois dire toutes les pensées qui troublent et accablent mon esprit… »

Enfin, dans une autre lettre du 11 juin de la même année, elle fait connaître clairement ses dispositions intérieures : « Je ne désire rien avec tant d’ardeur présentement que de voir cette guerre-ci finir pour

  1. P. de Lenet, t. XIII.
  2. Son frère Condé.
  3. Mazarin.