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mais les fouilles faites dans ces caveaux m’ont bientôt révélé la vérité. Les bruits souterrains sont ceux d’une troupe d’hommes que doivent receler les flancs de la colline ; la fumée que j’ai prise pour elle du foyer d’un pâtre est celle qui s’échappe des fissures du terrain. Or, don Ramon doit être occupé dans cette caverne à fabriquer sa poudre avec le salpêtre qu’il a dû y trouver : je le jurerais, quoique je n’aie vu sur cette colline aucune apparence d’excavation souterraine ; mais je la trouverai.

La sagacité de cet inconnu frappa vivement Berrendo, car le souvenir de la caverne dont le hasard lui avait fait découvrir l’entrée revint aussitôt à son esprit, et, en même temps que l’admiration, une vive sympathie pour le compagnon que le hasard lui faisait rencontrer s’éveilla dans le cœur du jeune homme.

A fé de caballero ! s’écria Berrendo en tendant la main à l’inconnu, je serai heureux d’être l’ami d’un homme tel que vous ; mon nom est Luciano Gamboa. Quel est le vôtre ?

— Le mien est Andrès Tapia ; mais je l’ai presque oublié. Le nom qu’on me donne habituellement est le Chercheur de traces, quoique, à dire vrai, je sache aussi bien lire dans le cœur de l’homme ses plus secrètes pensées que trouver sur le terrain humide ou sec, sur l’herbe des prairies ou sur la mousse des bois, les empreintes qu’il ont conservées. – Puis, comme pour donner à Berrendo une idée de sa pénétration, il ajouta : — Quelle bonne nouvelle allez-vous m’apprendre ? — je puis vous annoncer que vos conjectures sont vraies, tout au moins quant à l’existence d’une caverne près d’ici. Le hasard me l’a fait découvrir ce matin et, si vous le voulez, nous nous y rendrons tout de suite.

— Non, dit Andrès, j’ai affaire ici pour ce soir, mais demain nous nous trouverons à cheval à la porte de Pucuaro.

Le rendez-vous une fois pris, les deux nouveaux amis se serrèrent la main et se séparèrent. Berrendo n’avait pas envie de dormir, et afin de tromper le temps, — nous employons la locution espagnole, espagnole, plus vraie que la nôtre, en ce sens que nous ne pouvons que tromper et jamais tuer le temps qui nous tue, — il entra dans la boutique d’un barbier. On devine facilement pourquoi Berrendo poussait la recherche jusqu’à faire raser une barbe qui n’avait que huit jours de date.

Pendant que le barbier frisait les moustaches noires du jeune voyageur, celui-ci jetait des regards d’envie sur une mandoline qui avait à peu près toutes ses cordes, et qui était suspendue par un clou à la muraille.

— Seigneur barbier, dit-il, j’aurais besoin de cette mandoline pour quelques heures ce soir ; ne pourriez-vous me la prêter contre un gage de plus grande valeur, bien entendu ?