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d’avertissement et de conseil, utile et salutaire toujours, le devient plus encore quand les temps et les esprits sont plus troublés.

Au milieu des émotions de cette quinzaine, y a-t-il eu place pour ces calmes sujets d’étude, pour ces récréations élégantes, ornemens des sociétés paisibles, distractions passagères des sociétés agitées ? Oui sans doute, et un regard jeté sur les théâtres suffirait pour prouver que le public ne renonce pas si aisément à ses habitudes et à ses plaisirs. Et nous, s’il y revient, faut-il nous en détourner ? Assurément il serait puéril, coupable presque, de s’y arrêter cette fois avec trop d’insistance ; nous nous reprocherions tout ce qui ressemblerait à une obstination d’esprits frivoles : pourtant il convient d’y toucher, d’en dire un mot en passant, ne fût-ce que pour rester dans notre rôle en suivant le mouvement de cette société dont la vie intime, intellectuelle et morale se mêle constamment à la vie extérieure et publique : double existence, mouvement parallèle dont l’ensemble forme plus tard l’histoire complète d’une époque et d’un pays.

Presque tous les théâtres luttent, par de persévérans efforts, contre les circonstances qui portent ailleurs l’attention et l’intérêt. Au Théâtre-Français, Mademoiselle de la Seiglière a retrouvé tout son succès des premiers jours, succès très réel, très légitime, constaté ici même avec trop d’autorité et de justesse pour que nous ayons à y revenir. Quoi qu’en aient dit quelques juges malveillans, le marquis de la Seiglière, tant reproché à M. Jules Sandeau, n’est pas une caricature, encore moins une satire : c’est un type, un type offert à la comédie, comme tout ce qui trahit ou résume, sous une forme quelconque, les secrètes faiblesses du cœur humain. Ce qui nous plait dans Mademoiselle de la Seiglière, ce qui nous semble la pensée même de l’ouvrage, c’est que, loin de consacrer ou d’aigrir les dissidences d’opinion ou de caste, l’auteur a voulu les déjouer toutes ; l’action se noue entre les prévoyans et les habiles, au nom de leurs intérêts, de leurs passions et de leurs rancunes ; puis survient un sentiment naïf, un amour vrai, naissant dans deux cœurs sincères, et tout se dénoue et s’arrange au moyen de cet amour qui n’est ni émigré, ni révolutionnaire, mais qui se charge d’unir le passé au présent par la plus douce des chaînes.

Ce n’est pas nous, à coup sûr, qui nous plaindrons de voir les noms vraiment littéraires se rapprocher du théâtre, s’y acclimater, y multiplier leurs tentatives, y établir avec le public des communications plus directes et plus vives. Après nous avoir montré dans des cadres d’une rusticité un peu suspectes ces légendes de chaumière et de bergerie, ces scènes de la vie champêtre qui ressemblaient trop à des épigrammes contre la société civilisée, voici que Mme Sand, par un nouveau caprice d’artiste et de poète, s’est avisée de continuer Sedaine, et de donner une suite au Philosophe sans le savoir. Les suites, on le sait, réussissent rarement au théâtre ; Corneille y a échoué ; Beaumarchais, dans la Mère coupable, n’est parvenu qu’à attrister et à enlaidir les piquantes physionomies du Mariage de Figaro. Il y a dans une œuvre d’art, dans une œuvre dramatique surtout, je ne sais quel jet libre et spontané que rien ne remplace plus tard, lorsqu’on veut y ajouter ou y reprendre. Le Mariage de Victorine est plutôt une étude qu’un drame. Préoccupée d’un retour sincère et louable vers le simple et le vrai, Mme Sand a feuilleté Sedaine, comme elle feuilletait naguère ce