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l’échafaud on se vante de mourir pour elle; cela n’est bon qu’à faire des couplets. La patrie veut qu’on la serve en résistant à ses ennemis; si par malheur on succombe, c’est vraiment pour elle qu’on est mort; on a droit à ses regrets, souvent même à ses couronnes; mais ceux qui, après l’avoir mal servie, n’ont pas même osé la défendre en se défendant eux-mêmes, ceux qui n’ont eu d’autre courage que de tendre la gorge au couteau, la patrie ne leur doit rien : ils peuvent se poser en martyrs, la palme ne descendra pas du ciel.

Ce sont là des vérités bonnes à dire, surtout dans ce pays de France où l’esprit girondin court les rues. Il faut proclamer bien haut, bien franchement ce que vaut cet esprit et où il mène, ce qu’un peuple gagne à se payer de mots, à, se complaire dans cette politique déclamatoire qui tantôt veut la fin sans les moyens, tantôt les moyens sans la fin. Personne encore ne l’avait dit aussi nettement que M. de Barante. Bien qu’il se tienne constamment dans une extrême mesure, parlant plutôt en spectateur qu’en juge, son opinion n’est jamais équivoque, jamais il n’hésite à dire ce qu’il sait, ce qu’il croit vrai; il ne jette un voile sur rien, ne laisse rien dans l’ombre : aussi quiconque a lu ces deux volumes sait définitivement à quoi s’en tenir sur la gironde et sur sa politique. C’est là un grand service rendu; c’est par là que ce livre, outre sa valeur littéraire, est encore une excellente action.

M. de Barante n’est pourtant qu’au début de sa tâche; ces deux volumes ne sont qu’un préambule. Il faut qu’il nous montre la convention dans ses deux autres phases. Là nous serons en face de moins grandes catastrophes, le drame sera moins noble, moins attachant, moins pathétique; mais l’auteur sera au vif de son sujet, il entrera dans un plus vaste champ de recherches, il aura plus de révélations à faire, plus d’aperçus nouveaux à présenter, soit en parlant des monotones atrocités du comité de salut public, soit à propos des impuissans efforts de gouvernement et d’organisation tentés après thermidor. C’est l’histoire de la convention qu’il veut faire; il faut donc qu’il ait traversé et sa période sanglante et sa période soi-disant modératrice, pour être en droit de résoudre cette question, l’idée première de son livre : Qu’est-ce que la convention? et pour nous dire s’il serait vrai qu’au prix de tant de violences, de tant de souillures, de tant d’iniquités, cette assemblée eût rendu un seul service à la France.

Lui devons-nous, comme on s’obstine à lui en faire honneur, le premier des biens pour un peuple, l’intégrité de notre territoire? Nos armées se seraient-elles moins bravement battues sans ces absurdes commissaires qui leur prêchaient la révolte et l’indiscipline? Auraient-elles essuyé plus d’échecs, si de Paris on leur eût expédié moins de phrases et plus de munitions? Ceux qui veulent nous persuader que le système de terreur appliqué à l’art militaire ait produit un seul de nos succès, et qu’un seul officier français ait senti croître son courage, ses talens,