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et les actes de vandalisme commis à la basilique primatiale. Il y a là pour l’histoire de Lyon de tristes pages, et nous souhaitons qu’une plume impartiale et sévère nous retrace enfin, depuis vingt ans, les annales de cette noble ville qu’ont frappée tant de désastres, en cherchant surtout le secret de l’agitation orageuse de ce peuple, que distinguent tant de qualités natives, et qui, par un contraste étrange, allie à un caractère calme et réfléchi, à l’amour du travail, une exaltation politique qui le pousse sans cesse à tous les emportemens et lui met à la main les armes de la guerre civile. Si ce peuple savait mieux son passé, il reconnaîtrait enfin qu’il a été trop souvent la dupe de son enthousiasme ou plutôt de sa colère ; il se demanderait à quelle cause a profité le sang versé en 93, lorsqu’après les péripéties sanglantes d’un siège héroïque le nombre des proscrits, guillotinés, fusillés ou mitraillés, s’éleva, au compte même de la commission révolutionnaire, à mille six cent quatre-vingt-quatre. Il se demanderait à quelle cause a profité le sang versé en novembre 1831, en avril 1834 ; il se demanderait si cette formule qu’il inscrivait sur le drapeau noir, et que des historiens coupables ont vantée comme un cri d’héroïsme : Vivre en travaillant ou mourir en combattant, n’est pas en d’autres termes la paraphrase d’un mot terrible : Tuer parce qu’on a faim. Sans aucun doute, devant ces tristes enseignemens, il rentrerait dans sa conscience, et déposerait le fusil de l’émeute, qui n’est pas plus l’instrument des progrès que le couteau de la guillotine.

Malgré les préoccupations douloureuses de ces dernières années, l’académie de Lyon, qui remonte au XVIe siècle, a poursuivi le cours de ses paisibles études. Elle a publié depuis 1848 plusieurs volumes, dans lesquels nous avons distingué une Notice sur la vie et les écrits de Ballanche, par M. Victor de Laprade, et une Étude comparative sur les états-généraux de France et les parlemens d’Angleterre, par M, Boullée. La Notice de M. de Laprade, aussi bien écrite que bien pensée, est empreinte d’une philosophie rêveuse, qui excite un sympathique attendrissement, et qu’il est rare de rencontrer, surtout dans les écrits des philosophes. On nous saura gré, nous le pensons, d’en transcrire ici les dernières lignes. « La fin de ce sage, dit M. de Laprade en parlant de Ballanche, fut, comme sa vieillesse, sereine et souriante. Il est mort entouré de tous ceux qu’il aimait, et, sauf le sentiment de leur tristesse, n’emportant de ce monde ni doute, ni crainte, ni regrets. Tel fut le milieu de paix et de lumière dans lequel cette belle ame nous apparut toujours dans ces dernières années, qu’elle nous semblait habiter déjà par le cœur la région de nos espérances immortelles ; il a dû s’y asseoir sans étonnement, et comme dans un lieu connu, car par l’acquiescement du cœur à toutes les épreuves de cette vie, par l’intuition clairvoyante des mystères de l’autre, par l’amour ardent de Dieu et des hommes, il avait devancé dans le bien, dans le vrai, dans le beau, l’initiation suprême de la tombe. »

L’Étude de M. Boullée sur les états-généraux est tout à la fois une œuvre historique et politique. « L’histoire, dit avec raison M. Boullée, n’offre peut-être point de spectacle plus digne d’observation que celui de la décadence graduelle et de la disparition définitive des états-généraux de France, de cette institution qui, long-temps protégée par les maximes les plus respectées de notre droit public, s’éteignit obscurément au milieu des luttes de la fronde et du despotisme fastueux de Louis XIV et de Louis XV ; et si depuis 1614, époque