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l’histoire militaire de l’antiquité une mine féconde à explorer. On ne savait pas, par exemple, si les légions étaient casernées comme les troupes modernes, ou si elles étaient campées à l’extérieur des villes et loin des habitations. On avait bien l’exemple des prétoriens, dont le camp était hors de l’enceinte de Rome; mais il pouvait y avoir pour cette garde des empereurs et pour la capitale de l’empire des raisons qui n’existaient pas pour les légions et pour les villes de province. M. Renier a résolu la question par l’examen des ruines de Lambèze. Il y a reconnu le camp de la troisième Augusta à l’extérieur de la ville, dont il est séparé par une espèce de glacis de cent mètres de long. Ce camp est véritablement monumental : il est défendu par un rempart en pierres de taille, garni de tours carrées de quarante en quarante mètres. Au tiers de sa longueur, en partant de la porte principale, se trouve un immense bâtiment, le Pretorium, qui occupe ainsi exactement la place indiquée par Végèce. A deux kilomètres de ce premier camp, on en trouve un second, auquel on arrive par une voie romaine, que l’on suit encore dans presque toute sa longueur. Ce second camp était occupé par des cohortes auxiliaires, et, sur les débris de la colonne monumentale dont il était orné, M. Renier a retrouvé en partie le texte d’une allocution adressée par un empereur aux troupes qui habitaient ce camp. Comme toutes les choses militaires se faisaient chez les Romains d’après des lois invariables, il résulte de ces faits que les troupes étaient casernées au dehors des villes, et que les auxiliaires étaient séparés des légions. Il est évident qu’en agissant ainsi, les tacticiens romains avaient l’intention d’établir autour des villes des espèces de forts détachés qu’il fallait enlever avant d’arriver au corps même de la place.

Les inscriptions recueillies par M. Renier, tant à Lambèze qu’à Markonna, à Thamugas, à Biscara, à Zama, à Sigus, jettent un jour tout nouveau sur la domination romaine dans cette partie de l’Algérie, sur l’organisation et les mœurs des légions, sur l’archéologie monumentale et sur l’histoire. Le savant voyageur a restitué à plusieurs villes leurs véritables noms antiques. Il a déterminé de la manière la plus précise les limites de l’occupation des Romains du côté du Sahara, limites qui ne se sont très certainement jamais étendues à plus de deux ou trois lieues au sud des monts Aurès. Peu de missions scientifiques ont été aussi fécondes que celle de M. Léon Renier, et la raison en est toute simple : c’est que la plupart du temps on les accorde à la faveur, à l’habileté et au savoir-faire, tandis que celle-ci a été exclusivement accordée à la science.

On le voit par ce qui précède, sur tous les points de la France, l’activité a été grande, et partout les efforts individuels se sont combinés avec des travaux collectifs. Les sociétés savantes, qui prennent de jour en jour plus d’importance, ont publié une foule de travaux excellens, et, de même que dans chaque ville, dans chaque province, les hommes amis de l’étude se réunissent en associations, de même ces associations se réunissent à leur tour en assemblées générales, pour imprimer à leurs efforts une impulsion commune, régulariser leurs travaux et préparer, par un programme uniforme, une vaste synthèse historique. Ces assemblées, connues sous le nom de congrès, ont pris naissance en Allemagne, car ce pays, n’ayant point un centre d’études et de lumières, a senti le premier l’avantage de réunir chaque année les savans dans