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moscovites, parce qu’ils s’opèrent tous ensemble et dans un même silence, et à travers des distances infinies sur tous les points du territoire impérial. Il y a d’autant plus d’intérêt à en saisir les traces quand elles apparaissent. Ainsi, même au milieu des préoccupations générales de la politique européenne, il semblerait que la Russie s’applique avec un zèle toujours aussi vigilant au manège particulier qu’elle ne cesse point de pratiquer sur la Caspienne et sur la Baltique. Ces deux mers sont pour le cabinet de Pétersbourg un double sujet d’inquiétude et de convoitise ; elles sont parmi ses voies d’avenir les plus probables ; elles sont l’accès libre ou contesté de la Haute-Asie où l’attendent les Anglais, de l’Europe occidentale, où il rencontre encore l’Angleterre postée à Héligoland, dans son Gibraltar du nord. Par une coïncidence significative, nous avons à la fois des détails sur l’attitude des Russes aux bords de la Caspienne et dans la Baltique ; c’est aux deux extrémités le même système d’insinuations et d’empiétemens. En Asie, le khan de Hérat vient de mourir ; sa succession sera disputée non-seulement par sa famille, mais par les Persans et les Afghans. Les Russes sont là pour surveiller toute l’affaire. Depuis quelque temps, ils se sont encore rapprochés d’Hérat en occupant Asterabad, de l’autre côté de la Caspienne, et en s’avançant jusqu’à la rivière Atrak, droit sur le chemin du Khoraçan. Ils ne possédaient d’abord qu’un petit îlot sur la côte de Mazenderan, et ils y avaient modestement établi un dépôt et une retraite pour leurs bâtimens de la Caspienne. Les sauvages Turcomans ont tout à point saccagé le petit établissement pour fournir un prétexte à l’envie qu’on avait d’en faire un plus grand. Le tzar s’est vengé des Turcomans sur la Perse, et c’est ainsi qu’il a mis garnison dans Asterabad. Sur la Baltique, d’autre part, si l’on en croit la Gazette du Weser, la marine russe ne cesse pas d’étudier les côtes prussiennes. Cinq gros vaisseaux de guerre ont mouillé l’un après l’autre dans le port de Swinemunde, qui a été ainsi occupé l’espace de deux mois. L’ile danoise de Bornholm, qui commande toutes les positions importantes de cette mer, serait aussi le point de mire de l’ambition moscovite ; la cour de Pétersbourg serait même déjà, dit-on, entrée en marché avec celle de Copenhague pour lui acheter cette citadelle de la Baltique. Ainsi procède de son côté, pas à pas et sourdement, la grande domination slave, pendant que la race anglo-saxonne affermit chez elle et propage au loin son éclatante fortune.

Le contraste qui nous frappait en regardant notre propre situation nous a comme malgré nous conduits à ce tableau général de la situation extérieure : nous nous hâtons d’y ajouter les détails particuliers de l’histoire courante. C’est d’abord le tzar Nicolas qui exprime à la diète germanique la haute satisfaction avec laquelle il l’a vue de nouveau réunie, nonobstant sa dissolution spontanée de 1848. La diète aura fort à faire de bien porter ce lourd patronage. En Prusse, les états provinciaux ne fonctionnent qu’avec beaucoup de peine, et sont de plus en plus abandonnés aux minorités, ce qui n’empêche pas M. de Gerlach, qui siège dans ceux de Brandebourg, de solliciter le maintien perpétuel de cette institution germanique et chrétienne. Le gouvernement napolitain a répondu officiellement aux lettres de M. Gladstone, et pris à tâche de corriger l’impression qu’elles avaient produite. C’est un hommage rendu à l’opinion publique, au tribunal de laquelle on porte ainsi la cause. Reste à savoir si M. Gladstone se tiendra pour battu. Le palais de cristal n’absorbe plus