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traditions oubliées ou méconnues, le vrai. — dans son acception la plus étroite et la plus matérielle, devenu le but de l’art, — la nouvelle école s’est bientôt fatiguée du simple, du naïf, du connu. Elle s’est lancée dans les découvertes : il lui fallait du nouveau; elle a peint les glaces du pôle, les sables du désert, les plaines de l’Orient, les pampas et les savanes; la couleur locale, cette chose sans valeur, à la portée du premier barbouilleur venu, a été comptée comme une qualité d’un prix inestimable et comme la condition principale de toute œuvre d’art.

La fraction la plus considérable de l’école paysagiste belge, il faut bien le dire, est dans la mauvaise voie, celle qui a l’imitation pour but. Parmi les paysagistes qu’il faut excepter et qui voient plus loin, il est un artiste qui, depuis bientôt quinze ans, remarqué seulement par le petit nombre et suivi dans ses progrès avec un vif intérêt, a consciencieusement et modestement travaillé à devenir un maître : on ne l’a pas vu rechercher les succès faciles, les encouragemens, les récompenses. Pendant que d’autres brillaient qui ne le valaient pas, il poursuivait sa route, travaillant sans relâche, corrigeant par la comparaison les côtés faibles de ses œuvres, et marchant toujours en avant sans se lasser jamais. Autrefois lithographe habile, il serrait d’aussi près que possible l’imitation de la nature; ses paysages étaient, il y a cinq ou six ans, d’une vérité extrême. Cependant déjà il avait un style, et ses tableaux se reconnaissaient à une sorte de mélancolique beauté qui, se retrouvant dans tous, appartenait certainement à l’artiste et non aux divers sites peints par lui. Aujourd’hui M. Fourmois, c’est le nom de ce peintre, talent formé, maître d’un procédé patiemment appris, s’élève tout d’un coup au-dessus de ses rivaux d’hier. A peine on le comptait naguère, et voici qu’on le place à la tête de l’école. Il a exposé un Moulina eau, une Bruyère et deux autres tableaux. Le Moulin est le plus beau des quatre : le sujet, c’est une cabane en planches sur un ravin où coule un ruisseau : quelques arbres, le ciel, et c’est tout. Un rayon de soleil traverse les rameaux et les feuillages; il glisse, en les dorant d’une lumière fugitive, sur les chaumes moussus et verdoyans du toit. Cette toile rappelle les anciens maîtres : c’est un paysage d’une aimable simplicité, lumineux sans éclat, plein d’air et d’humide fraîcheur, d’un coloris harmonieux et qui plaît non pas seulement par la beauté du site, mais surtout par cette sorte de beau qui appartient à M. Fourmois, et dont tous ses tableaux sont plus ou moins empreints. — Le ciel de la Bruyère est admirable île profondeur et d’étendue.

M. Kindermans était, au dernier salon, le rival de M. Fourmois : c’est un peintre de talent, dont la manière est moitié flamande et moitié française. Son tableau principal, Vue prise dans le grand-duché de Luxembourg, indique des études solides, une grande habileté pratique, mais peu d’originalité. M. Kuyttenbrouwer, Hollandais qui est venu habiter