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homme d’humeur fort opposée à toute réforme libérale, Sigismond Malatesta, se chargea de défendre la cause commune et de couper court aux dangers de la contagion. Dans cette pensée, et un peu aussi dans celle de s’emparer des possessions de son voisin, il organisa contre Frédéric une conspiration qui fut découverte à propos. N’ayant pu réussir à faire assassiner ce prince, il essaya d’un autre moyen pour se débarrasser de lui, et, sans perdre de temps à chercher des prétextes, il lui déclara la guerre : guerre longue et acharnée, féconde en alternatives de toute espèce, au bout desquelles Malatesta fut obligé de rendre les places dont il s’était emparé et de souscrire à une paix honteuse. Sa mort donna lieu à de graves contestations, et sa succession fut vivement disputée. pour tout autre que Frédéric, l’occasion eût été belle de se venger sur la famille d’un ennemi de tous les maux passés, et de trancher la difficulté survenue entre les seigneurs de Rimini et le saint-siège par l’occupation à son profit du territoire en litige; mais il ne se laissa pas aller à la tentation, et ce fut au contraire grâce à son entremise que la souveraineté des Malatesta fut rétablie sur Rimini. Un tel acte de générosité n’était pas dans les mœurs des hommes de ce siècle, et les Médicis entre autres n’avaient pas coutume de se montrer aussi désintéressés. Peut-être auraient-ils, comme Frédéric, consenti à laisser la dynastie régnante en possession de l’héritage; mais, dans ce cas, ils n’auraient pas manqué de mettre un prix à leur clémence et d’enrichir leur trésor ou les galeries de leurs palais de quelques précieuses dépouilles. La magnificence des Médicis ne s’inspira pas toujours de l’amour des beaux-arts ni même des calculs de la politique; elle ne fut souvent qu’un déguisement de l’avidité, et Pierre Ier, usant d’abord de l’autorité que lui transmet son père pour se rembourser sans miséricorde des avances faites aux cliens de sa famille et à ses propres partisans, n’est-il pas fort au-dessous de Frédéric refusant de profiter, à peu près à la même époque, de la ruine de ses ennemis?

La guerre soutenue contre Sigismond Malatesta n’avait pas duré moins de vingt-quatre ans. Toutefois il ne s’était pas écoulé un moment de trêve sans que Frédéric en profitât pour continuer à l’intérieur son œuvre de civilisation. Il ouvrait des écoles, élevait des monumens où il accumulait les objets d’art, et formait la célèbre collection de manuscrits et de livres qu’augmentèrent encore ses successeurs, et qui est aujourd’hui l’une des richesses du Vatican. Cette bibliothèque d’Urbin ne fut pas, connue on l’a prétendu, la première bibliothèque publique en Italie. A Florence Côme de Médicis, à Rome Nicolas V, en avaient déjà créé de semblables, ou plutôt Nicolas V les avait créées toutes deux[1], et le double catalogue composé par les soins de ce

  1. La collection du couvent de Saint-Marc, due à la munificence de Côme, avait été choisie et classée par Thomas de Sarzane, qui, devenu pape sous le nom de Nicolas V, forma la collection du Vatican. C’est donc à lui qu’appartient l’honneur d’avoir fondé ces deux riches bibliothèques, les plus anciennes de l’Italie. Celle des ducs d’Urbin ne fut que la troisième en date.