Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans alliés, sans forces suffisantes pour résister, fut réduit en quelques jours à la nécessité de fuir. Il arriva non sans peine à Mantoue, d’où il écrivit au cardinal della Rovere, qui fut depuis le pape Jules II, le récit circonstancié de sa course à travers les montagnes et des événemens qui l’avaient précédée. « Je n’ai sauvé du désastre, dit-il à la fin de cette lettre, que ma vie, un pourpoint et une chemise. » C’était certes bien peu, et cependant, en se sentant en sûreté, Guidobaldo semble croire que tout est sauvé. Il se félicite trop du succès de sa fuite, et ne se souvient pas assez qu’en succombant sans lutte il a perdu quelque chose de plus que sa couronne : vingt ans plus tard et presque aux mêmes lieux, François Ier avait d’autres motifs pour se consoler de la défaite de Pavie.

César Borgia entra en grande pompe à Urbin et alla s’installer au palais ducal, non sans avoir inauguré son règne par le supplice d’un de ses affidés, qui s’était engagé à lui livrer le duc et qui lui avait manqué de parole. Les jours suivans, César s’occupa de transporter à Forli les objets d’art et les livres qui avaient appartenu à Guidobaldo, après quoi il s’adressa à Louis XII et le gagna si bien à force de flatteries, qu’il obtint de lui la sanction de tout ce qui s’était passé, et de plus un secours de quelques centaines de lances pour consolider son usurpation. Cependant, au bout de cinq mois, les soldats de l’usurpateur étaient expulsés de San-Leo, la plus forte place du duché; la nouvelle de ce succès déterminait, pendant l’absence de César, un soulèvement à Urbin, et Guidobaldo rentrait dans sa capitale, qui l’accueillait avec une joie enthousiaste. Épuisé par la fatigue et les souffrances, il fut obligé en arrivant de se mettre au lit et d’y rester plusieurs jours, mais il ne voulut pas qu’on fermât les portes de sa chambre au peuple, accouru en foule au palais. Chacun put venir saluer ce prince, dont la présence semblait annoncer la fin d’un régime abhorré et le retour de la prospérité et du calme : illusion de bien courte durée. puisque, quelques semaines après, César reparaissait à Urbin, et Guidobaldo prenait pour la seconde fois le chemin de l’exil.

Guidobaldo, on le voit, se résignait promptement au sacrifice de ses droits et n’essayait même pas de les défendre; mais sa sœur, mère de l’héritier présomptif de la couronne, ne faisait pas aussi bon marché des droits de son fils. Elle refusait de rendre Sinigaglia, où elle s’était enfermée après la soumission d’Urbin, et attendait courageusement que les troupes qui menaçaient la ville vinssent l’assiéger. Cependant une longue résistance était impossible. L’alliance de César avec Louis XII devenant chaque jour plus étroite, Paolo Orsini et plusieurs seigneurs italiens qui craignaient comme lui de mécontenter le roi de France s’étaient empressés d’offrir leur appui et celui de leurs confédérés pour la conquête de Sinigaglia. Une fois maître de cette place, César ne