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plus grands et les secours plus faibles et plus incertains. Mirabeau remplissait et animait tout de sa pensée : il faisait croire et espérer encore ; le dénoûment fatal, la mort du roi et de la reine, et les horreurs de 93 ne semblaient pas inévitables, irrésistibles. Après la mort de Mirabeau, on sent qu’on n’est plus séparé du mal que par le temps qu’il mettra à s’accomplir. Ce qui reste d’appui à la royauté s’ébranle et tombe chaque jour. L’assemblée nationale, qui veut après la fuite de Varennes, sauver la monarchie par la révision de la constitution, selon l’ancien plan de Mirabeau et sous les auspices de Barnave, devenu à son tour un des défenseurs de la royauté ; l’assemblée nationale fait place à l’assemblée législative ; et M. de La Marck voit, dès le commencement, ce que sera l’assemblée législative. « .La prochaine législature, dit-il au comte de Mercy-Argenteau, est décidément mal composée. On sait déjà que les trois quarts des nouveaux députes sont des hommes nuls, et que les autres ne seront remarquables que par des opinions incendiaires. Le corps électoral de Paris vient de nommer Brissot ; un nommé Danton le sera peut être aussi ; l’abbé Fauchet le sera certainement. Voilà plus d’élémens républicains que n’en renferme l’assemblée actuelle, indépendamment des auxiliaires en ce genre qui viennent en foule des provinces. » Non seulement M. de La Marck., est effrayé de l’esprit républicain qui anime la nouvelle assemblée ; il s’afflige aussi en homme de sens, de l’abaissement social de cette assemblée, parce que cet abaissement social doit être une nouvelle cause de désordre et de trouble. Les nouveaux députés n’ont en général rien à perdre. « Les dix-neuf vingtièmes des membres de cette législature n’ont d’autres équipages que des galoches et des parapluies. On a calculé que tous les nouveaux députes ensemble n’ont pas en biens fonds 300,000 livres de revenu. Une telle assemblée n’en imposera pas par la décence, puisque la généralité des personnes qui l’a composent n’a reçu aucune éducation,… et elle n’a plus rien à sacrifier au peuple, sans achever de consommer la dissolution totale de la société et sans donner le signal du sauve qui peut[1]. »

En même temps qu’il y a tout à craindre et rien à espérer de l’assemblée législative, on ne peut plus attendre aucun secours de la bourgeoisie parisienne. Elle est découragée et intimidée ; elle a laissé nommer Péthion maire de Paris. : « Il y a eu dix mille votans sur quatre-vingt mille qui ont laissé faire. Or, à coup sûr, les absens n’étaient pas pour Péthion… La moitié de la nation est indifférente à tout ce qui se fait, et calme par conséquent ; mais cela ne prouve rien, car dans les plus fortes tempêtes la mer est calmée à dix brasses de profondeur[2]. » M. de Montmorin dépeint, comme M. Pellenc, cette fatale et désastreuse

  1. Tome III, p. 233 et 246.
  2. Lettre de M. Pellenc au comte de La Marek, 17 novembre 1791 ; t. III, p. 268-269.