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pour la mémoire de ce prince; l’année suivante, il peignait, sous les traits du jeune duc d’Urbin, un des personnages de l’École d’Athènes; enfin il retrouva au Vatican Bibbiena, Bembo, Castiglione, qu’il avait connus à la cour de Guidobaldo, et par eux encore il dut se rattacher au souvenir de sa patrie; — mais ce fut tout.

A partir de ce moment, la vie et les travaux de Raphaël demeurent en dehors de notre sujet. Nous ne suivrons donc pas M. Dennistoun dans les longs détails où il a cru devoir entrer. Un peu trop résolu peut-être à absoudre le grand maître de certains torts que l’opinion publique lui attribue depuis trois siècles, il n’hésite pas à nier sans commentaires l’exactitude des faits embarrassans. La mort de Raphaël, par exemple, n’est à son avis que le résultat d’une pleurésie gagnée dans une antichambre du pape. Bien plus, la liaison avec la Fornarina est elle-même traitée de fable ou à peu près par M. Dennistoun. qui, on le voit, pousse loin l’incrédulité. Au lieu de se défier à ce point des témoignages les plus formels et les plus authentiques, ne pourrait-on, en les acceptant, essayer d’en atténuer l’effet, et le mieux ne serait-il pas de présenter, à défaut de justification, des excuses? On en trouverait aisément dans l’état des mœurs à cette époque. Les courtisans de Léon X n’avaient pas en général des principes fort sévères, et, si leur conduite offensait la morale, elle ne nuisait ni à leur considération, ni à leur fortune. Les longues et très publiques amours de Bembo ne l’empêchèrent pas d’être compris à la fin de sa vie dans une promotion de cardinaux. Bien d’autres personnages, revêtus comme lui de la pourpre romaine, semblaient autoriser les faiblesses par l’exemple et consacrer en quelque sorte la légitimité du désordre. Appartenait-il à Raphaël de se montrer plus rigoriste? Il est permis de regretter qu’il n’ait pas eu ce courage, mais on ne saurait en tout cas s’en étonner.

L’époque que nous venons de parcourir, et qui prend fin avec le dernier prince de la maison de Montefeltro. fut pour le duché d’Urbin une époque de gloire et de progrès de toute sorte. Quarante années de prospérité continue signalent le règne de Frédéric. Celui de Guidobaldo, interrompu quelque temps par une odieuse usurpation, s’achève, comme il avait commencé, dans le calme et libre développement de la littérature et des arts. Les règnes suivans offrent sans doute une succession de faits dignes de remarque; mais, au point de vue de l’art italien et de son histoire, le rôle des princes della Rovere n’a pas la même importance que celui de leurs prédécesseurs. A Urbin, comme dans le reste de l’Italie, la renaissance a dépassé son âge d’or : elle va bientôt entrer dans une période où tout commence à décliner, et, bien que la dynastie nouvelle s’efforce de continuer l’œuvre si noblement entreprise, le succès est déjà plus rare et la protection moins éclairée. Le petit nombre d’artistes éminens qui apparaissent dans la seconde moitié du XVIe siècle, ou qui s’attardent jusque dans le XVIIe