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la condition que la princesse serait déclarée héritière de tous les biens allodiaux et des propriétés particulières de son grand-père. François-Marie finit par acquiescer à ces arrangemens. En 1626, il signa la cession des états d’Urbin au saint-siège, et, se réservant seulement le titre de souverain et le droit de grâce, il se retira à Castel-Durante, où il mourut, à l’âge de quatre-vingt-deux ans, en 1631.

Les Mémoires sur les ducs d’Urbin s’arrêtent à cette date, limite naturelle du sujet que M. Dennistoun avait entrepris de développer. Nous disions en commençant que ce livre était une œuvre complète, trop complète peut-être, en ce sens que l’auteur n’y omet rien de ce qui se rattache, même de fort loin, aux événemens de toute espèce qui signalèrent pendant deux siècles les règnes des princes de Montefeltro et della Rovere : nous en avons extrait, en y ajoutant le résultat de nos propres informations, les faits relatifs à l’histoire de l’art italien pendant et après la renaissance, et, envisagé sous cet aspect, qui n’est qu’une des faces qu’il présente, l’ouvrage de M. Dennistoun mérite encore un sérieux examen. Faut-il y voir en effet une simple étude archéologique, une sorte de cours pittoresque d’un art qui n’est plus à notre usage? N’est-il possible d’y puiser que des renseignemens sur des faits qu’on avait jusqu’ici négligé d’éclaircir, sur des hommes qui, même à côté des Médicis, ont eu leur part d’influence et de gloire? en un mot, cette réhabilitation des ducs d’Urbin ne doit-elle servir qu’à satisfaire la curiosité? Nous ne le croyons pas. Outre l’intérêt que peut offrir en soi cet épisode de la renaissance italienne, il reste encore quelque profit à faire pour nous-mêmes, quelque conclusion à tirer du spectacle qui nous est donné. Que l’on veuille bien comparer par exemple la marche de la peinture dans le duché d’Urbin, depuis ses premiers pas jusqu’à sa chute, à l’histoire de la peinture dans notre pays, et l’on verra, toute proportion gardée entre le caractère national et la valeur même des productions, qu’au fond l’analogie est assez grande entre les deux écoles. Toutes deux se révèlent tard, lorsque ailleurs on est depuis long-temps déjà familiarisé avec le talent et le succès. C’est par la force qu’elles débutent, par les savans travaux qu’inspirent une pensée virile et le culte de l’antiquité. Bientôt la grâce, se joignant à cette gravité magistrale, annonce la perfection : Raphaël succède à Pietro della Francesca, comme chez nous Lesueur à Poussin, et, dans un autre ordre d’art, Racine à Corneille. A peine ce progrès s’est-il manifesté, que la peinture devient lourdement fastueuse en prétendant à la grandeur. Les décorations héroïques du palais de Versailles étalent cet amour excessif de la pompe et du luxe qui s’était trahi déjà sur les murs de l’Imperiale. Le besoin du nouveau, la manie du facile et de l’agréable, ne tardent pas à remplacer la passion pour le style académique, et l’on ne se soucie plus que de l’art qui enjolive des objets