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vérité historique et de la vérité morale à l’occasion de la malheureuse reine d’Ecosse.

Venu le dernier, M. Mignet est certainement le plus complet, et a pu être le plus impartial. Hallam et Lingard ne sont pas absolument libres de tout préjugé politique ou religieux, et, pour le prince Labanoff, il ne s’offensera pas si je remarque qu’un peu de la superstition honorable et touchante du collecteur pour les reliques de son héros a dû le prévenir trop fortement en faveur de Marie. M. Mignet est touché, mais il n’est pas prévenu; il juge la reine d’Ecosse en juré, et toutefois c’est un de ces jurés comme nous les voulons pour que la justice soit toujours équitable, cherchant la vérité, et regrettant de l’avoir trouvée; plein des devoirs de l’historien, et ému de sympathie pour la misère humaine.

C’est comme juré animé de ce double sentiment que M. Mignet déclare Marie Stuart coupable de complicité dans le meurtre de Darnley, son mari. Son amour de la vérité, sa conscience d’historien ont dicté la sentence; mais la sympathie pour la misère humaine a inspiré le noble récit où il en retrace les motifs. Il plaint en même temps qu’il condamne; en dénonçant le crime, il pense à sa longue et douloureuse expiation, et, s’il met la main sur son cœur en prononçant l’arrêt, c’est moins pour le prendre à témoin qu’il croit Marie coupable que pour contenir la douleur qu’il éprouve à ne pouvoir l’absoudre. Enfin il ne fait pas entrer dans le récit toutes les preuves, et plus d’une est rejetée aux notes, qui ne laisse pas d’avoir beaucoup de force. L’art le voulait ainsi, je le sais, et M. Mignet y est passé maître. Il n’y avait pas de risque qu’entre ses mains l’histoire dégénérât en une discussion au criminel; mais je vois dans sa discrétion encore plus de délicatesse que d’art. M. Mignet veut bien faire les affaires de la vérité, il ne veut pas triompher d’une femme infortunée, et, tout en restant doux au malheur, il a su être plus concluant contre Marie Stuart que certains écrivains de parti qui semblent la poursuivre avec la haine fanatique de Knox ou l’ingratitude de Buchanan.

Il y aurait donc toute raison de s’en rapporter à lui, et j’avoue que tout d’abord j’y ai fort incliné. Pourquoi ne pas se rendre? Dans ce livre excellent, notre faiblesse pour Marie est habilement ménagée; la pauvre reine reste charmante, pleine de séductions et de dignité. si malheureuse qu’elle le parait toujours plus que coupable, digne d’amitiés qui se dévouent, enfin, malgré son crime, meilleure que tous ceux qui l’entourent. Ce crime est abominable sans doute, mais la victime est odieuse, et la morale des cours en ce temps-là, la violence des mœurs écossaises, Riccio égorgé à côté de Marie, dans sa propre chambre, par des assassins titrés auxquels son mari avait montré le chemin, tout cela, vivement raconté par M. Mignet, semble atténuer