Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’établissement du royaume-uni des Pays-Bas, barrière puissante destinée à contenir l’ambition de la France : l’Angleterre offrait à son ancienne rivale la robe de Déjanire. L’offre fut malheureusement acceptée. Deux peuples séparés par les traditions de trois siècles, par la religion, par leurs mœurs, par des intérêts et des besoins différens, se trouvèrent liés par les traités pour commencer une longue lutte qui devait aboutir à une brusque et violente séparation. Ailleurs, ces accouplemens de nationalités opposés ont provoqué de douloureux conflits qui viennent de temps en temps se révéler à l’Europe par les tressaillemens d’une nationalité expirante : ici ; la réunion de deux nationalités également puissantes aboutit à une catastrophe dont la Hollande n’a pu se relever qu’après des efforts désespérés et au prix des plus grands sacrifices.

Le roi Guillaume, suivant le système dominant à cette époque, entreprit la fusion des deux peuples contre les vœux d’un puissant parti hollandais, qui demandait pour les provinces belges et la Hollande une administration séparée. Ce roi, long-temps considéré comme un des souverains les plus sages et les plus éclairés en Europe, résumait en lui, à un degré éminent, les qualités de sa nation. À un esprit exclusif, mais droit et juste, il joignait un caractère énergique, des habitudes simples et parcimonieuses, le goût et le génie des entreprises commerciales : il était aimé et vénéré par son peuple, qui le comparait à son illustre aïeul, le Taciturne, dont il avait pris la devise : Je maintiendrai. Il était accessible à tout le monde. Souvent, pendant ses promenades, au bois qui borde la capitale, les plus humbles de ses sujets s’adressaient à lui et l’entretenaient de leurs intérêts : on voyait, les jours d’audience, des paysans frisons arriver de l’extrémité du royaume pou r consulter leur monarque sur les affaires de famille, et les étudians, au sortir des écoles, venir à La Haye pour présenter au roi leurs thèses doctorales. Un long exil avait mûri ce caractère ferme et solide : Guillaume apportai sur le trône un esprit modéré et tolérant, une activité prodigieuse, une volonté persévérante, qui se raidissait contre les obstacles. Cette ténacité fatale, au sortir d’une époque de bouleversemens et de révolutions, devait amener une violente scission dans le royaume et plus tard, l’abdication d’un prince dont le règne, en des temps plus calmes, eût marqué parmi les plus prospères de l’histoire.

Guillaume, en prenant possession du trône des Pays-Bas, trouvait la Hollande presque épuisée par vingt ans de guerres et de révolutions. Il fallait faire renaître ici prospérité, le travail dans ces contrées dévastées ; il fallait, concilier des intérêts hostiles de la Belgique et de la Hollande, — La Belgique, pays agricole et industriel. – la Hollande, pays essentiellement commerçant. La fusion de ces intérêts hostiles ne pouvait