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les eaux des autres ruisseaux ont une couleur blanche en raison des matières qu’elles tiennent en dissolution, car le repos ne change rien à la teinte de ces eaux qui ne laissent aucun dépôt et n’ont aucun mauvais goût. Cependant, par suite de l’évaporation, l’eau prend une teinte blanche plus prononcée et a un goût pâteux, comme si elle était fortement chargée de bouc. Vers deux heures de l’après-midi, nous arrivâmes à une ferme nommée Guacaima, où nous couchâmes sous un hangar. Le lendemain, 9 janvier 1831, nous entrâmes à Upata à trois heures du soir. Durant ce second jour de voyage à partir de l’Orénoque, je rencontrai tout le long de ma route la même nature de roches, granit, quarzite et un conglomérat ferrugineux.

Upata est une ville de deux mille habitans; elle renferme à peu près toute la population civilisée du canton; le reste se compose d’Indiens plus ou moins sauvages et de quelques créoles. Le passage des laveurs d’or y avait causé un mouvement commercial inconnu jusqu’à ce jour. Les terrains favorables aux constructions avaient triplé de valeur; les loyers des maisons avaient haussé dans la même proportion. De tous côtés, on voyait s’élever de belles constructions. Je passai vingt-quatre heures dans la ville pour remplir quelques formalités administratives; pendant ces vingt-quatre heures, je n’entendis parler que de nouvelles découvertes, et de toutes parts on offrait de me faire connaître des endroits riches en poudre d’or. Il y avait sans doute quelque exagération dans ces rapports, mais il était aisé d’y découvrir un fonds de vérité. Ainsi il était bien établi pour moi que dans tous les lits de-rivière, dans tous les torrens, on rencontrait de l’or en assez grande quantité. Jusque-là, j’avais été à même de reconnaître que les terrains que j’avais parcourus depuis l’Orénoque appartenaient à la classe des agalyssiens de M. Brongniart, et que dans cette classe ils devaient être rangés parmi les micaciques et les quarzites, qui reposent immédiatement sur le granit. Or, si les observations de ce savant sont exactes, c’est dans cette classe, et surtout dans les deux derniers ordres de terrains, qui en dépendent, que l’or se trouve en plus grande abondance.

Le 11, à la pointe du jour, j’étais sur la route de Tupuquen, rendez-vous des laveurs d’or. J’avais reçu à Upata des nouvelles de mon ami le docteur Beauperthuis : depuis huit jours, il était parti pour Tupuquen avec sa compagnie; c’est là que je voulais le rejoindre et passer quelques jours avec lui avant de mener à bonne fin mon projet de découvertes. Je suivis la route de Santa-Maria, traversant le plateau sur lequel est située la ville d’Upata; ce plateau est élevé de quatre cent vingt mètres au-dessus du niveau de la mer. D’Upata jusqu’à Santa-Maria, je rencontrai les mêmes roches et les mêmes eaux qu’entre Saint-Félix et Upata. Après quatre heures de marche, j’arrivai à Santa-Maria; ce village ne présente plus que deux maisons sur pied ; l’église et le reste du village sont en ruines et abandonnés. Là, comme à Saint-Félix, la végétation a pris la place des maisons. De ce village, situé à l’extrémité du plateau d’Upata, et dans un endroit où ce plateau s’abaisse tout à coup de quatre-vingt-dix à cent mètres, on a une vue magnifique sur toute la plaine qui s’étend dans la direction du sud-est; les flancs de ce plateau offrent un mélange à peu près égal de roches de granit très dur avec des aspérités et de roches de quartz veiné de rouge; d’autres sont d’un blanc sale veiné d’une teinte bleuâtre et recouvert d’une couche jaune graisseuse. Les terrains forment un conglomérat