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prouvent bien qu’elle s’est proposé ce but, et qu’elle le poursuit sans relâche[1].


III.

Bouchir. était le terme de nos explorations en Perse; de là, nous devions nous diriger vers Bagdad et le Kurdistan. Au moment de quitter la terre d’Iran, j’éprouvais cependant le besoin de jeter un regard en arrière sur cette société persane à laquelle j’allais dire adieu, sur ce pays qui fut si grand, et que je n’avais pu voir sans regret livré à tant d’influences ennemies. Quelles garanties de durée et de puissance la Perse trouve-t-elle dans son administration, dans la politique de ses princes, dans le caractère de ses habitans? Telle était la question que je ne me posais pas sans quelque chagrin en faisant route vers Bagdad. Essayer d’y répondre, ce sera compléter ces souvenirs en montrant dans l’ensemble de son organisation politique et de sa vie morale le peuple que mon voyage m’avait permis d’observer sur tant de points différens.

La Perse compte trois cents lieues d’étendue environ du nord au sud, et trois cent cinquante de l’est à l’ouest. On peut diviser son territoire en trois zones à peu près parallèles, présentant des nuances climatériques qui, sur aucun autre point du globe, ne sont aussi vivement accusées dans les mêmes limites. Dans la zone du nord, le froid devient excessif : il descend jusqu’à 20 et 25 degrés au-dessous de zéro, et se prolonge pendant cinq et six mois. Cependant, dans cette même zone, par une exception toute locale et qui tient à la topographie, le climat des deux provinces qui bordent la mer Caspienne est complètement différent : il favorise même une végétation en partie semblable à celle du midi de la Perse. La zone centrale s’étend de l’est à l’ouest, sous un ciel tempéré; les gelées n’y ont ni force ni durée. Le sud forme la troisième zone, qu’on appelle le pays de la chaleur (Guermsir), et en effet le thermomètre, n’atteignant presque jamais zéro en hiver, y monte jusqu’à 46 degrés en été.

On distingue dans l’Iran deux parties presque égales, l’une peuplée, l’autre déserte; la moitié de sa superficie n’offre que des solitudes immenses privées d’eau, de végétation, où le sol, recouvert d’une croûte de sel, ne saurait procurer aucune ressource aux populations qui le fuient : tels sont, à l’est, les déserts de Khorassân, de Yezd, de Kermân,

  1. Les Anglais ont tenté plusieurs fois de remonter l’Euphrate, afin d’établir une ligne de communication directe entre la Méditerranée et les Indes par la Syrie et le golfe Persique. Cette voie eût été la plus courte pour se rendre dans leurs possessions du continent asiatique; mais ils durent s’arrêter devant les cataractes qui entravent le lit du fleuve, et sur lesquelles ils perdirent même un de leurs bateaux à vapeur.