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sous des chefs relevant directement du châh, soit afin d’amoindrir, par ce morcellement, la puissance des gouverneurs, qui serait trop considérable et pourrait être un danger pour l’état. Tous ces chefs, quelle que soit l’étendue de leurs gouvernemens, ont le titre de beglier-bey. Ils ont sous leur juridiction une ou plusieurs villes, qui sont administrées chacune par un hakim, et, selon leur importance, divisées en quartiers, à la tête desquels sont placés des magistrats qu’on appelle ket-khodâh, dont les attributions correspondent à peu près à celles de nos maires. L’administration d’une ville se complète par l’adjonction au hakim et au ket-khodâh d’un fonctionnaire appelé kalantar, chargé de percevoir les impôts. Le travail de répartition entre les contribuables est fait par le ket-khodâh, aidé du kalantar. Ces deux fonctionnaires sont élus par les populations et servent d’intermédiaires entre elles et les gouverneurs. Bien que la charge de kalantar soit donnée à l’élection, celui qui l’obtient doit être agréé par le chef supérieur: or, dans un pays où tout est vénal, on comprend que cet agrément se paie, et il est d’un taux très élevé; mais, comme il faut que cette place, tout-à-fait identique à celle des fermiers-généraux d’autrefois, rende de gros bénéfices outre ce qu’elle a coûté, et compense les cadeaux auxquels elle oblige ceux qui l’obtiennent, il en résulte qu’elle est une source d’abus de tout genre. Les kalantars doivent annuellement verser dans le trésor royal une somme déterminée; tout ce qu’ils peuvent retirer en sus leur est abandonné à titre de bénéfices. Aussi à combien d’exactions ne se livrent-ils pas! Les gouverneurs, qui devraient faire un contre-poids à la rapacité de ces collecteurs, leur prêtent au contraire leur appui, dans l’espoir d’en tirer quelques pichkèchs ou cadeaux.

Les agens chargés de la perception des contributions de toute na- ture en remettent le montant aux begliers-beys, qui, à leur tour, versent au trésor royal la redevance que doit annuellement leur province ou leur district. La différence entre la somme perçue et celle payée au châh ou employée au service général reste dans les mains des gouverneurs, qui doivent, avec cet argent, subvenir à tous les besoins publics de leur administration. Il y a encore là une source d’abus : cette liberté d’action laissée aux begliers-beys est exploitée par eux, et devient, pour leur avarice, un moyen de retenir l’argent dont ils disposent, au lieu de l’employer au bien général.

Il y a ainsi en Perse deux fonds distincts, deux sortes de caisses : celle du châh et celles des provinces. Le chiffre du trésor royal est d’environ 219,000,000 de francs; mais cette somme est bien loin d’entrer en numéraire dans les coffres du châh. Voici en effet comment le recouvrement des impôts s’opère : la base en est la proportionnalité de l’avoir de chaque citoyen; une ville ou un village doit payer annuellement une somme déterminée; le ket-khodâh d’accord avec le