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les troupes qui s’avançaient. Le 9 au matin, les Anglais passent l’Arguenon à mer basse et s’établissent fortement sur la route de Matignon. Le 10, ils occupent les hauteurs de Matignon, et ces divers mouvemens ne s’effectuent pas sans quelque gêne : des compagnies de tirailleurs, entre lesquelles on distingua, pour l’intelligence et le succès avec lesquels elle l’ut conduite, celle du chevalier de Lorel, capitaine au régiment de Boulonais, côtoyaient la marche des Anglais, et, s’embusquant dans un pays accidenté et couvert de baies, fusillaient leurs soldats dans les rangs, coupaient les traînards et les hommes écartés, et la nuit désolaient les bivouacs par la persistance et la subtilité de leurs attaques. Or les troupes anglaises, qui n’ont peut-être pas d’égales au monde pour la solidité, n’ont ni la souplesse ni la résistance à la fatigue des nôtres, et c’est leur enlever une grande partie de leurs avantages que de leur interdire le repos. Cette tactique fut surtout habilement employée dans la nuit qui précéda la bataille : huit compagnies de grenadiers et deux cents dragons partagés sous le commandement de M. de Broc, colonel du régiment de Bourbon, en pelotons de trente hommes, se glissaient sans bruit aussi presque possible des Anglais, tiraient et se repliaient en silence. L’hésitation que ces attaques mystérieuses portèrent dans les mouvemens de l’ennemi ralentirent son embarquement, et l’on en vit le lendemain matin les conséquences.

Le duc d’Aiguillon vint lui-même, le 10 au soir, reconnaître la position des Anglais : ils y étaient inexpugnables ; mais ils étaient obligés d’en descendre pour se procurer des vivres ou pour se rembarquer. Il remit donc le combat au lendemain, avec d’autant plus de raison qu’il attendait encore pendant la nuit le régiment de Royal-Vaisseaux. Avant le jour, l’artillerie anglaise avec trois mille hommes prit les devans et se dirigea vers l’anse de Saint-Cast, en face de laquelle était mouillée la flotte ; le reste de l’armée, divisé en deux corps, suivit bientôt ce mouvement : c’est ce moment qu’attendait le duc d’Aiguillon. Il avait passé la nuit sur pied : à la pointe du jour, il parcourt rapidement les bivouacs et donne ses derniers ordres ; à sept heures du matin, il se porte vivement avec deux cents dragons sur Saint-Cast et voit la deuxième division ennemie commençant à monter sur les chaloupes. Il avait formé ses troupes en quatre corps ; il place à l’instant au centre celui de M. de Broc ; à la droite, sur l’escarpement de la Garde-Guérin, celui de M. de Balleroy, qui ne prit point de part active au combat ; à gauche, celui du comte d’Aubigny, et le quatrième en réserve, sur la hauteur, à portée d’appuyer chacun des trois autres, il s’établit lui-même au centre.

L’anse de Saint-Cast, qui se trouvait ainsi cernée, est comprise entre les pointes aiguës de Saint-Cast et de la Garde-Guérin ; elle forme dans