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perçus sur le même pied et versés dans les mêmes caisses que ceux du royaume ; l’armée s’y recrutait selon les mêmes règles. Les plus ardens du parti étaient ainsi contenus par ce progrès croissant des autorités danoises en Schleswig. Ce progrès a tout d’un coup alarmé les grandes puissances, qui ont voulu y mettre un terme. L’Autriche, la Prusse et la Russie ont demandé au cabinet de Copenhague le rétablissement pur et simple des anciennes assemblées provinciales du Schleswig-Holstein. C’était abonder dans le sens de ceux qui en Danemark même travaillaient toujours à restaurer la monarchie sur ses bases d’avant 1848, et qui espéraient préserver l’antique union des différentes parties du royaume, sauf à se contenter de l’union la moins étroite ; mais c’était aussi soulever l’orgueil national de ceux qui plaçaient autrement leur patriotisme, et qui préféraient faire à leur guise avec le Schleswig tout seul un pays exclusivement danois plutôt que de voir le Danemark régner nominalement sur les deux duchés à la fois sans pouvoir assez les défendre contre la germanisation. Ces instances étrangères ont ému vivement l’opinion, M. de Reediz et M. de Moltke, qui étaient d’avis de ne point trop résister aux grandes cours, ont dû quitter le ministère, et le ministère recomposé n’en est pas dans une situation plus facile. Il est pressé entre les obsessions du dehors et le mouvement du parti avancé dans l’intérieur. Les hommes qui ont eu le pouvoir en 1848 profitent de la chaleur avec laquelle le public embrasse la cause du Danemark jusqu’à l’Eyder pour essayer de reprendre leur influence. Ils demandent, par exemple, que l’on nomme immédiatement des députés en Schleswig pour venir siéger à Copenhague dans la diète nationale. Le parlement danois ne se dissimule pas les embarras du gouvernement, et ces embarras ont été assez visibles lors de la dernière communication ministérielle qui a été faite aux chambres. Le ministre des affaires étrangères ne leur a remis les pièces diplomatiques relatives à la situation que sous la promesse qu’on les tiendrait secrètes et qu’elles ne seraient discutées qu’à huis-clos.

Les fêtes en l’honneur de M. Kossuth se sont prolongées sans interruption de Southampton à Londres, de Londres à Manchester et à Birmingham ; mais de plus en plus les personnages officiels s’écartent de la scène où le héros du jour exécute avec un talent si mobile la représentation de son personnage. Les maires de Birmingham et de Manchester ont eu le bon sens de voir qu’ils n’avaient point qualité publique pour parlementer avec son excellence l’ancien gouverneur de Hongrie. M. Kossuth, qui n’avait voulu d’abord accepter d’invitations que des autorités constituées, a déféré beaucoup plus humainement aux vœux des démocrates de Birmingham et de l’Anti-Corn-Law League de Manchester. La manifestation des classes ouvrières qui rappelait d’un peu loin le 10 avril, les discours révolutionnaires prononcés au banquet qui a suivi la promenade de Koponhagen-field ont été un avertissement un peu tardif à la sagesse anglaise. La sagesse anglaise ne résiste jamais assez au plaisir d’avoir un lion pour se distraire. M. Kossuth a remplacé l’exhibition du palais de cristal, il est venu à point au moment où il n’y avait pour lui disputer le public ni l’Académie royale ni Exeter-Hall. Nous ne voulons point dire que M. Kossuth n’ait pas beaucoup d’esprit et qu’il n’ait pas joué un grand rôle : nous nous permettons seulement de soupçonner que son rôle eût été plus grand, s’il n’a-