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d’ailleurs songer à réduire les portugais par la famine. L’établissement de Hong-kong et la colonie de Manille auraient fourni aux habitans de Macao les provisions que l’interdit des mandarins leur eût refusées. Il n’y avait réellement à redouter qu’un soulèvement de la populace. Amaral avait prévu cette attaque et l’attendait de pied ferme. Ses soldats, régulièrement payés et maintenus dans le devoir par une discipline sévère, mais toujours paternelle, lui étaient entièrement dévoués. Ils aimaient dans leur chef cette énergie enjouée, ce modeste sourire qui semblait défier l’orage, et puisaient leur confiance bien moins dans les discours du gouverneur de Macao que dans la calme sérénité de son regard.

La crise attendue vint enfin. Au mois d’octobre 1 846, quelques heures avant le lever du soleil, pendant que la ville était plongée dans le repos, un corps formidable de Chinois débarqua dans le port intérieur. Ces bandits, rassemblés par les bateliers que le gouverneur venait de soumettre au paiement d’un nouvel impôt, gravirent lestement les rampes qui conduisent des quais du port vers le centre de la ville. Déjà ils se croyaient maîtres de Macao, quand leurs cris imprudens et le fracas du gong, par lequel ils appelaient leurs compatriotes aux armes, éveillèrent quelques habitans, qui coururent prévenir le gouverneur. Amaral rassemble à l’instant une poignée de soldats, et se porte, avec une pièce de campagne, vers l’entrée d’une rue étroite qui domine la place du Sénat. Les Chinois venaient de déboucher sur cette place; ils se précipitent en tumulte vers les portugais : une volée de mitraille les arrête. Un instant, ils semblent vouloir reformer leurs rangs éclaircis; mais bientôt, chargés à la baïonnette, ils se jettent dans les rues tortueuses du bazar et se hâtent de regagner leurs bateaux, que foudroyait déjà l’artillerie de quelques chaloupes canonnières. Dès le lendemain, le gouverneur ordonne aux Chinois d’ouvrir leurs boutiques; à la milice urbaine, qui était accourue au secours de la garnison, de déposer ses armes. En quelques heures, la fermeté de son attitude, le calme de ses dispositions ont rétabli la tranquillité dans la ville et effacé les derniers vestiges de l’insurrection. Amaral veut qu’il ne reste aucun souvenir de cette crise; affermi d’ailleurs dans la voie où il s’est engagé par le succès qu’il vient d’obtenir, il poursuit avec persévérance l’accomplissement de ses réformes. Entre Chinois et Portugais, les rôles sont désormais intervertis : c’est le gouverneur de Macao dont les exigences vont, à dater de ce jour, envahir incessamment une portion du terrain que les autorités chinoises s’efforceront inutilement de défendre; lutte ingrate, efforts obscurs, dans lesquels fut dépensé autant d’énergie qu’il en avait fallu autrefois pour conquérir Malacca ou Calicut! De plus grands intérêts, de plus vastes perspectives semblèrent plus d’une fois inviter Amaral à laisser son