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fermées par la turbulence des populations aux promenades des Européens, ce petit coin de terre, toujours paisible, avait bien sa valeur et méritait sans doute les soins qu’on pouvait prendre pour l’embellir.

Ce qui manque surtout à la colonie de Macao, ce qu’il n’était point au pouvoir d’Amaral de lui donner, c’est une rade spacieuse et sûre, qui, comme celle de Hong-kong. puisse abriter au besoin des escadres. Le port intérieur, étroit canal compris entre la côte occidentale de la péninsule et l’île de Lappa, n’est accessible, dans les marées ordinaires, qu’aux navires dont le tirant d’eau ne dépasse pas quatre mètres. Les grands bâtimens de commerce et les navires de guerre doivent mouiller à près de trois milles de la ville, en face des côtes abruptes de Typa et de Ko-ho. Ce n’est qu’à cette distance du rivage que la rade extérieure offre une profondeur de cinq ou six mètres. En avant de ce plateau sous-marin, incessamment exhaussé par les alluvions du Chou-kiang, s’étend une triple ceinture d’îlots granitiques; mais cette barrière incomplète ne brise qu’à demi la violence des flots que soulève pendant l’hiver la mousson de nord-est. L’agitation de la mer contribue donc à entraver les communications de ce lointain mouillage avec la ville de Macao.

Heureusement, les bateaux chinois ne se laissent pas facilement arrêter par la tempête. Chaque matin, quelle que pût être la violence du vent, l’équipage de la Bayonnaise voyait sortir du port un bateau à la poupe renflée qui traçait un large sillon sur les eaux vaseuses de la rade. Le vaillant esquif se frayait un pénible passage à travers les lames saccadées que heurtait la marée contraire. Après deux ou trois heures d’un patient louvoyage, il cinglait enfin à pleines voiles vers la Bayonnaise. Nous frémissions du choc qui semblait menacer la frêle embarcation; mais à peine le large gouvernail suspendu à la poupe avait-il offert une oblique surface au sillage, que la barque obéissante pivotait soudain sur elle-même et venait se ranger comme un coursier docile à côté de la sombre masse contre laquelle nous avions craint de la voir se briser. C’est alors que les voiles de rotin, divisées en bandes parallèles par de longues perches de bambou, tondraient lourdement au pied des mais, que les nattes rigides s’entassaient l’une sur l’autre comme les plis d’un immense éventail, et que les bateliers aux jambes nues, aux vastes chapeaux coniques, s’évertuaient à saisir la corde qu’on leur avait jetée des porte-haubans de la corvette. Au milieu du désordre apparent, des clameurs confuses qui président aux plus habiles manœuvres des Chinois, apparaissait bientôt un nouveau personnage, montrant sa figure calme et grave à l’entrée du dôme de bambou sous lequel il avait sommeillé jusqu’alors à côté de ses dieux lares. Une longue robe de coton bleu retenue sur le côté droit par cinq boutons de métal, une petite calotte noire surmontée d’un nœud rouge,