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SCÈNES ET MŒURS


DES


RIVES ET DES CÔTES





LE TRAÎNEUR DE GRÈVES.




I.

La large presqu’île comprise entre l’embouchure de la Loire et celle de la Vilaine est découpée par plusieurs baies, autour desquelles se groupent des populations distinctes que le temps ni le voisinage n’ont pu confondre ; mais c’est vers le nord-ouest surtout, là où l’ancien comté de Nantes touche à celui de Vannes, que la différence devient frappante. À Piriac, par exemple, vous trouvez d’un côté du chemin le paisible sang namnète mêlé au riche sang des Saxons, tandis que de l’autre côté vit la race turbulente et batailleuse des Venètes. Là les visages sont calmes, les mœurs douces, le langage lent et chanteur ; ici les traits paraissent chagrins, les habitudes agressives, l’accent précipité par l’impatience. Vers le sud de la baie, le riverain répondra à un reproche en s’excusant ; vers le nord, par l’injure ou par les coups. Du reste, au nord et au sud vous trouverez même absence d’industrie. Content de sa pêche ou de quelques sillons qu’il cultive, le Piriaçais accepte dans le monde la place que le hasard lui a faite, non qu’elle lui plaise, mais parce qu’il y est. N’exigez de lui aucun effort inaccoutumé, ou résignez-vous à le paver au centuple, car il dirait