Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/926

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

promontoire, elle entra dans une de ces vignes dont les ceps antiques rampent sur le sol comme autant de boas endormis, et suivit, pour se mieux cacher, une des longues tranchées destinées à défendre la vendange contre la rafale marine. Elle atteignit ainsi la pointe du Castelli, dont le nom témoigne encore de l’occupation espagnole, et regarda vers les trois immenses rochers qui se dressent à gauche, semblables aux débris informes de quelque monument inconnu. Le traîneur de grèves n’y était pas. Elle eut beau chercher au-delà, dans les criques et les fentes des rochers ; aussi loin que son œil put distinguer, le rivage lui parut désert. Elle commençait à craindre que Marzou ne fût point venu sur la côte, lorsqu’elle aperçut une tête d’enfant qui surgissait d’une des fissures dont se servent les pêcheurs pour descendre à la grève. Elle reconnut le jeune frère de Loïs et l’appela.

— Toi ici, Iaumic ! dit-elle étonnée: je te croyais en message à Leyrat.

— C’était bien croire, répliqua le jeune garçon, dont le regard se retournait vers la petite baie qu’il venait de quitter, mais je suis revenu par la côte, dans la confiance que je trouverais le frère près des Roches noires.

— Et il n’y est pas ?

— Faites excuse, reprit Iaumic, qui regardait toujours derrière lui, je viens de le laisser dans la grande grotte, et je ne l’ai quitté que parce qu’il l’a voulu.

— Il est dans la grotte, répéta Annette, et pourquoi faire ?

L’enfant haussa les épaules sans répondre et suivit pendant quelques instans la jeune fille. Sa figure, où brillait l’intelligence hâtive et aiguisée des orphelins dont la misère a été l’institutrice, exprimait en même temps une sorte d’inquiétude qui frappa Annette. Elle renouvela ses questions avec plus d’insistance.

— Je ne pourrais pas vous dire ce qu’il fait, dit Iaumic ; mais, pour sûr, il a quelque chose qui lui étouffe le cœur.

La jeune fille fut prise de peur.

— Et tu dis qu’il est dans la grande grotte ? reprit-elle vivement.

— Oui, répliqua l’enfant, il m’a prié de le laisser tout seul ; mais ce serait une vraie chance, si quelqu’un pouvait aller vers lui avec de bonnes paroles.

Annette fit machinalement un pas vers la fissure, puis s’arrêta court en regardant Iaumic. Celui-ci, qui avait compris son intention, se hâta de prendre congé.

— Excusez-moi de vous avoir retenue, la Niette, dit-il en portant la main à son chapeau ; vous êtes pressée de ramener la Rougeaude ? Je l’ai vue qui vous attendait au petit pré, même qu’elle a banné quand je passais.

Il avait repris le sentier qui serpente aux cimes des falaises en se