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JUNIUS.




DEUXIÈME PARTIE.[1]




VII.

« Soyez assuré, écrivait Junius à son imprimeur le 5 octobre 1769, que ni vous, ni personne ne pourrez jamais me connaître, à moins que je ne me fasse connaître moi-même. Artifices, recherches, récompenses, tout sera également sans effet. » Il semble que ces paroles, destinées surtout à décourager la curiosité de Woodfall, fussent une prédiction. Le vrai nom de Junius est resté enveloppé d’un mystère qui semblait impénétrable. Dès le temps où il écrivait, ce mystère étonnait ou irritait les esprits. « Où donc, disait Burke en plein parlement, chercherons-nous l’origine du relâchement actuel des, lois et du gouvernement ? Comment Junius en est-il venu à passer à travers tous les fils d’araignée de la loi et à courir le pays, libre, inviolable, impuni ? Les mirmidons de la cour ont été long-temps et sont encore occupés à le poursuivre vainement. Ils n’iront point perdre leur temps après moi, ou vous, ou vous. Non, ils dédaignent de tels insectes, tant que le puissant sanglier de la forêt qui a déchiré toutes leurs toiles est devant eux. Mais qu’obtiendront tous leurs efforts ? Il n’en a pas plus tôt blessé un qu’il en étend un autre mort à ses pieds. Pour moi, lorsque j’ai vu son attaque au roi, j’ai senti se glacer mon sang. Je pensais qu’il s’était emporté trop avant et qu’il touchait au terme de ses triomphes, non qu’il n’eût dit bien des vérités ; oui, monsieur, il y a dans cette

  1. Voyez la livraison du 1er décembre.