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Puis Mustapha, avec cette dignité qui ne le quittait point, désigna du doigt une touffe de palmiers nains, et, tous s’asseyant en cercle, la conférence de la soumission commença : elle fut courte, et les conditions furent bientôt arrêtées. Les derniers pourparlers échangés, le colonel Tempoure offrit au chef arabe les présens apportés en son honneur, puis tous se levèrent. Les chefs remontèrent à cheval, et se vinrent réunis autour de Mohamed, pendant que, se dressant sur ses étriers, le marabout prononçait la prière qui devait appeler la bénédiction d’en haut sur leurs entreprises. Son œil était ardent, ses traits pâles et fatigués, par les jeûnes et les veilles, sa voix grave et austère. Ce fut un imposant et majestueux spectacle.

— Ô Dieu, Dieu clément et miséricordieux, s’écria Mohamed, nous te supplions de rendre la paix à notre malheureux pays, désolé par une guerre cruelle. — Et les voix des deux mille cavaliers répétèrent le long de chaque ligne : — Ô Dieu ! Dieu clément et miséricordieux, nous te supplions de rendre la paix à notre malheureux pays, désolé par une guerre cruelle ! — Prends pitié, reprit le chef en élevant les yeux au ciel, prends pitié de cette population réduite à la misère ! Fais renaître au milieu de nous l’abondance et le bonheur ! Donne-nous la victoire sur les ennemis de notre pays, et que la sainte religion révélée par ton prophète soit toujours triomphante ! — Et les guerriers répétèrent d’une seule voix : — Donne-nous la victoire sur les ennemis de notre pays, et que la sainte religion révélée par le prophète soit toujours triomphante !

Le bourdonnement de ces prières, porté par les vents, s’en vint jusqu’aux cavaliers de Bou-Hamedi, leur annonçant la grandeur du danger. L’heure approchait en effet où Tlemcen allait pour toujours devenir française. À la première nouvelle de ces événemens importans le maréchal Bugeaud, jugeant avec la rapidité habituelle de son coup d’œil le parti que l’on pouvait en tirer, s’était hâté de quitter. Alger. Le 20 janvier, le maréchal débarquait à Oran, et le 24 février, au bout d’un mois ; après avoir ruiné la citadelle de Zebdou et occupé Tlemcen il quittait la ville, laissant le commandement de la subdivision au général Bedeau, mandé à cet effet de Mostaganem.

Établi dans Tlemcen, le général Bedeau montra cet esprit régulier et méthodique qui fait de lui un agent si précieux toutes les fois que l’on détermine d’une façon nette et précise l’étendue de ses devoirs, les limites dans lesquelles il doit agir, commander. C’est assez dire que Tlemcen se releva bientôt de ses ruines, que des casernes furent construites comme par enchantement, et que le pays entier reçu une organisation sage et mesurée. Plusieurs fois le général Bedeau dut combattre ; mais, comme il n’y avait aucune hésitation dans son esprit, il n’y eut ainsi aucune hésitation dans le succès. Ce pays de Tlemcen