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simplicité patriarcale. Vous n’y verrez presque jamais ni glaces ni tableaux. Un canapé, une table, une profusion de chaises, composent l’ameublement ordinaire d’un salon. Le reste est à l’avenant. Gardez-vous de croire néanmoins que ces dehors modestes ne cachent pas un luxe de très bon aloi : ces meubles, ordinairement ouvragés, sont en bois précieux du pays, et généralement en palissandre massif. C’est au sein de ces maisons, ainsi parées avec un goût sévère, que se passe la vie des femmes brésiliennes. Quelques repas, une promenade le soir, rompent seuls pour elles la monotone série des occupations domestiques. Les seuls plaisirs, outre les promenades et les réunions du monde, sont des excursions, de dévots pèlerinages ou des fêtes religieuses. Partout on retrouve ces habitudes, cette simplicité de mœurs, et Rio de Janeiro, sous ce rapport, ne diffère que bien peu des autres villes du Brésil.

De ce que l’étranger est difficilement introduit dans cette vie de la famille, entourée d’ordinaire d’infranchissables barrières, il ne faudrait pas conclure que les devoirs de l’hospitalité sont mal compris au Brésil ; seulement c’est dans les campagnes surtout que se sont conservées les traditions de cette hospitalité patriarcale tant vantée par les anciens voyageurs. Dans les contrées de l’intérieur, où le progrès n’a pas encore acclimaté nos hôtels et nos restaurans, le premier venu peut voyager sans crainte, certain de trouver plus d’un hôte empressé de l’accueillir. Seul avec un domestique, nous avons ainsi parcourue plusieurs provinces du Brésil, et jamais l’hospitalité la plus affectueuse, la plus prévenante, ne nous a fait défaut. Quoique l’étranger qui n’aurait pas visité le Brésil depuis vingt ans fût certain de rencontrer aujourd’hui, à chaque pas, de nombreuses améliorations dans ses cités et de notables changemens dans ses mœurs, on est forcé néanmoins de convenir que les communications y laissent beaucoup à désirer, et qu’on voyage encore difficilement dans ces contrées lointaines. Sauf quelques villes, quelques villages, quelques vastes plantations clair-semées sur cet immense territoire, on n’y découvre sans cesse que des bois vierges, des montagnes colossales, des cascades gigantesques, toute la grandeur enfin et parfois toute la sauvagerie d’une nature puissante qui, dans son désordre primitif, semble sortir des mains du Créateur. Cependant des routes commencent à sillonner en tous sens ces riches contrées ; mais ces routes, pratiquées sur un sol léger, d’une fertilité exubérante, constamment détrempé par d’abondantes pluies d’orages, se dégradent continuellement, et sont bientôt envahies par une inextricable végétation. Le gouvernement n’a encore ni assez de bras ni de suffisantes ressources pour assurer le bon entretien des chemins. Ajoutez que les innombrables ruisseaux qui traversent le Brésil se transforment, dans l’hivernage, en fougueux torrens qui entraînent les faibles ponts jetés provisoirement entre leurs rives, et l’on comprendra combien cet état de choses doit entraver toutes les communications par terre. Les propriétaires, éloignés les uns des autres, se sont jusqu’à ce jour rarement associés pour entreprendre en commun de ces œuvres utiles que les vieilles sociétés, avec leurs grandes populations libres, ont eu seules jusqu’à présent le pouvoir de réaliser. Il serait à désirer que des relations plus directes s’établissent entre les habitais des campagnes : l’amélioration des voies de communication est une des questions les plus importantes que soulève la situation actuelle du Brésil.