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de ces établissemens ; ils ont été sommés d’en préserver leurs enfans ; ils auront à répondre devant J.-C. des ames rachetées par son sang… Après que leur devoir leur a été si clairement tracé par l’église, quand même un ange du ciel viendrait leur prêcher un autre évangile, ils ne doivent point l’écouter. »


La guerre est, comme on le voit, ouvertement déclarée. Avant les derniers événemens, on aurait pu croire à la possibilité d’une transaction : le gouvernement anglais, appuyé par la moitié des évêques d’Irlande, aurait pu conclure, non pas officiellement, mais officieusement, une sorte de concordat avec Rome ; mais aujourd’hui tout accommodement est devenu impossible. Quand lord John Russell, dans sa lettre à l’évêque de Durham, a dit que l’Angleterre « regardait avec mépris les efforts faits pour rétrécir les intelligences et asservir les ames, » ce n’était pas à la bulle du pape qu’il répondait, c’était aux décrets du synode irlandais.

En Irlande, l’église catholique ne se trouve qu’en face de l’état ; en Angleterre, elle se trouve en face d’une autre puissance, spirituelle comme elle, c’est-à-dire l’église anglaise. De toutes les questions soulevées par le dernier acte du saint-siège, celle-ci est à nos yeux la plus importante. Que le pape n’ait fait qu’user de son droit, cela n’est pas contesté ; mais a-t-il bien fait d’en user ? C’est ce dont il est permis de douter. L’archevêque de Cantorbéry disait dernièrement : « Toute religion, vraie ou fausse, est nécessairement agressive, si elle est sincère, et le caractère de l’église romaine est d’être, non-seulement agressive, mais envahissante. » On pourrait répondre qu’une religion est envahissante par la même raison qui fait qu’elle est agressive. Quand on se croit en possession de la vérité, la propagande est plus qu’un droit, elle est un devoir. Nous n’avons donc pas la moindre idée de reprocher à l’église catholique d’être agressive ou envahissante ; c’est à un autre point de vue que nous nous permettons d’exprimer nos doutes sur l’opportunité de la mesure du saint-siège. Pour justifier ces doutes, nous entrerons dans quelques détails sur la situation intérieure de l’église d’Angleterre. Nous n’avons ni le droit, ni la prétention de faire de la théologie ; nous ne voulons qu’exposer des faits, et ce qu’on appelle l’état de la question.

Le nouveau cardinal, les nouveaux évêques et leurs défenseurs disent : « Il n’y a rien de changé que les titres. » Ce changement peut n’être rien, en effet, aux yeux de la loi, rien aux yeux du pouvoir temporel, rien aux yeux des dissidens de toutes les dénominations ; mais, pour l’église orthodoxe d’Angleterre, ou du moins pour le parti très considérable qui la regarde comme une branche de l’église universelle, comme la descendante légitime de l’église apostolique, ce changement est tout. Cette simple mutation de noms consacre la rupture