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jours de décembre. Nous souhaitons que le duel trop répété du pouvoir parlementaire avec le pouvoir exécutif n’ait pas tôt ou tard de plus funestes conséquences ; mais il y en a pourtant qui se produisent déjà, qui sont acquises à la charge des auteurs de cette bagarre systématique, et qu’il ne nous reste plus qu’à déplorer : c’est la joie bien fondée que le parti révolutionnaire manifeste en aidant, par ses inspirations et ses suffrages, de prétendus amis de l’ordre à paralyser, à dissoudre les seuls élémens d’ordre régulier qui subsistent encore ; c’est aussi le dégoût croissant de l’opinion pour un pareil usage des institutions libres, et ce qui nous touche le plus, ce qui nous frappe le plus douloureusement, ce dégoût trop motivé finit par s’en prendre aux institutions elles-mêmes.

Par où donc la guerre est-elle arrivée, quand on se croyait encore partout à la paix ? Une singulière coïncidence avait justement voulu qu’à la veille même de ces hostilités nouvelles, que nous nous réservons le droit d’apprécier, une fête donnée par M. le président de l’assemblée nationale réunit autour du président de la république l’élite du parlement. Comme si M. Louis Bonaparte eût eu le pressentiment de la bourrasque qui s’apprêtait, il avait osé porter un toast à la concorde des pouvoirs publics ; il avait exprimé le vœu que « leur union se continuât dans le calme, comme elle s’était formée pendant la tempête. » On n’apercevait pourtant encore à l’horizon aucun des nuages qu’on pouvait croire au contraire dissipés depuis la déclaration solennelle du 11 novembre, et qui s’annoncent aujourd’hui derechef, comme s’ils allaient tous reparaître. À peine un incident très médiocrement tragique avait-il laissé entrevoir aux hôtes du Palais-Bourbon que l’amphitryon s’était dispensé d’avoir à sa table officielle tous les invités de rigueur ; on avait pu seulement conjecturer que M. Dupin s’intéressait assez vivement à l’officier judiciaire compromis par excès de zèle à son service pour garder rancune au supérieur hiérarchique qui n’avait point été sensible à ce zèle excessif.

Après tout, ce n’était là qu’une grimace de salon qui n’impliquait pas nécessairement un éclat politique. On eût dit au contraire que le monde politique se préoccupait plus que jamais d’éviter les éclats. Les différens comités parlementaires avaient mis des sourdines à leurs démonstrations. Celui de la rue de Rivoli s’était désisté de ses plus grandes ardeurs pour le rétablissement du suffrage universel, et tout le mouvement que se sont donné les exagérés du parti légitimiste, le succès même qu’ils ont semblé d’abord obtenir en attirant à eux des hommes d’habitudes plus réservées et plus sérieuses, tout cela n’avait pas empêché que le comité s’engageât à repousser, conformément au rapport de M. Jules de Lasteyrie, la proposition d’ailleurs très bénigne par laquelle M. Victor Lefranc remettait en question la loi du 31 mai. Sait-on maintenant ce qu’il en sera ? À la place des Pyramides, on avait très sagement, et dans une intention fort transparente, déclaré pour soi-même, et un peu pour qu’on le répétât, que l’on ferait trêve à la politique proprement dite, et qu’on embrasserait par choix des études d’ordre plus positif. C’était professer à l’adresse de qui de droit qu’on entendait de ce côté répondre purement et simplement à l’appel du 11 novembre, en entrant de bonne foi dans les conditions de l’armistice offert par le message. Une troisième réunion, formée sous d’illustres auspices, avait passé durant quelques jours pour le centre futur de ces combinaisons à grande portée dont la réunion des Pyramides se déclarait