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haiter que cette liberté d’allures se développe encore, parce qu’elle serait à coup sûr un acheminement vers une constitution normale de l’Allemagne. Les craintes, fondées ou non, que les conférences de Dresde ont inspirées d’avance aux petits états, reportent plus que jamais les esprits à la recherche des moyens qui pourraient consolider cette Allemagne vis-à-vis des deux autres. Nous voyons chaque jour, soit dans la direction de la presse d’outre-Rhin, soit dans nos propres communications, que l’on revient presque sans y penser aux idées qui furent un moment si puissantes en 1820. Une situation à peu près semblable ramène les mêmes plans. Il parut dans ce temps-là un livre qui fit une impression très vive, et qui eut les honneurs d’une proscription rigoureuse ; nous voulons parler du Manuscrit de l’Allemagne du sud. Au moment où les grandes puissances appesantissaient le joug fédéral sous prétexte de comprimer la démagogie chez les petites, le publiciste anonyme réclamait pour celles-là une organisation qui les rendit capables de faire leur police elles-mêmes et de sauvegarder leur position particulière à côté, en dehors de la sphère austro-prussienne. Le Manuscrit de l’Allemagne du sud exposait avec une clarté victorieuse comment le nord et le midi de l’Allemagne occidentale formaient deux masses de territoires naturellement groupés d’abord pour une alliance intime, et puis aussi pour une vie distincte de celle des états orientaux auxquels ils étaient cependant accolés par les traités de Vienne. Nous avons lieu de croire que beaucoup de préoccupations vont aujourd’hui dans ce sens-là.

Le congrès de Dresde ne sera probablement pas le dernier ; un jour peut arriver où la carte de l’Allemagne, déjà tant de fois remaniée, le serait enfin sur des bases rationnelles et durables. Là-dessus, les faiseurs de projets ont beau champ. Parmi ces projets, il en est un dont on nous entretient, et qui donne assez bien l’idée de cet ordre que beaucoup à présent, comme en 1820, voudraient voir établir au-delà du Rhin ; nous ne croyons pas inopportun d’en dire quelques mots. L’Allemagne occidentale formerait une fédération où n’entrerait aucune des puissances qui, comme l’Autriche, la Prusse, le Danemark et les Pays-Bas, compliquent toute la situation germanique d’une façon si déplorable par leur double caractère de membres du corps fédéral et d’états indépendans hors de son sein. La délimitation territoriale de l’empire d’Autriche ne serait aucunement changée dans ce système, où l’Autriche unie, mais non identifiée avec cette nouvelle Allemagne, n’aurait plus sa grande raison d’y vouloir une place, puisque la Prusse n’y serait plus comprise. La Prusse, coupée en deux par la distribution de 1815, aspire justement à posséder des territoires plus compactes : elle ne pourrait que gagner à s’étendre d’un seul morceau jusqu’au Weser en acquérant le Mecklembourg, les principautés d’Anhalt, le duché de Brunswick et la partie orientale du Hanovre ; par compensation et comme indemnité pour les princes dépossédés, elle leur abandonnerait les provinces rhénanes et la Westphalie. Le Holstein, cause on prétexte de la guerre qui afflige l’Europe depuis trois mois, resterait définitivement uni, ainsi que le Schleswig et le Lauenbourg, à la monarchie danoise, et celle-ci, limitée par l’Elbe, sa frontière naturelle du côté de l’Allemagne, jouirait alors d’une situation territoriale qui répondrait à l’importance de la charge qu’elle a en Europe comme gardienne du Sund. La nouvelle fédération allemande embrasserait donc les royaumes de Bavière, de Wurtemberg,