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L'EMPEREUR SOULOUQUE


ET


SON EMPIRE.




TROISIEME PARTIE.[1]




VI. - MASSACRES. - LE COMMUNISME NEGRE.

Lors de la réaction noire de 1844, le bandit Accaau se rendit, pieds nus, vêtu d’une espèce de toile d’emballage et coiffé d’un petit chapeau de paille, au calvaire de sa paroisse, et là fit publiquement vœu de ne pas changer de toilette tant que les ordres de la « divine Providence » ne seraient pas exécutés. Puis, se tournant vers les paysans nègres convoqués au son du lambis[2], Accaau expliqua que la « divine Providence » ordonnait au pauvre peuple, premièrement de chasser les mulâtres, deuxièmement de partager les propriétés des mulâtres. Si indélicate que parût cette exigence d’en haut, l’auditoire pouvait d’autant moins la révoquer en doute, qu’elle avait pour garant un lieutenant de gendarmerie, car tel était le grade d’Accaau lorsqu’il s’improvisa

  1. Voyez les livraisons du 1er et du décembre 1850.
  2. Gros coquillage ayant à l’intérieur la forme d’un alambic, qui faisait l’office de trompette chez les esclaves insurgés, et dont le son lointain jette parfois la terreur dans les villes haïtiennes. C’est à peu près le coracol des paysans à demi arabes de la campagne de Valence. À une époque bien récente encore, si le caracol résonnait dans la huerta, Valence s’attendait à être pillée.