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voulait toujours voir une intention hostile à l’assemblée. M. de Rémusat, avec la vivacité nouvelle de son tempérament politique, a ouvert l’attaque ; M. Berryer, M. Dufaure l’ont suivi, et les ministres ont fait si méchante mine à ce mauvais jeu joué contre eux, que l’assemblée, n’étant en rien arrêtée sur la pente où la poussaient ses esprits les plus prompts, a décidé quelque chose qui avait l’air plus gros qu’au fond elle ne le voulait. On a nommé une commission chargée d’aviser au besoin du moment, mais d’aviser d’une manière ou de l’autre, l’auteur de la mesure n’étant pas lui-même bien fixé sur la destination qu’il lui réservait. On va quelquefois ainsi plus loin qu’on ne veut. Heureusement il y avait des sages dans cette commission, qui pouvait si bien ne pas l’être. On a commencé par demander la communication des procès-verbaux du temps de la permanence ; le ministère en a réclamé la publicité complète ; c’était ce qu’il y avait de plus opportun pour réduire à leur juste valeur les sourdes préventions qui enveniment le débat. Ces procès-verbaux ne contenaient rien qu’on ne sût à la lettre ; leur mérite était dans leur mystère. Il faut maintenant qu’on s’explique aussi au grand jour de la tribune sur la révocation du général Changarnier ; il faut que le pouvoir exécutif, dont on ne conteste point ici le légitime usage, n’affecte pas un oubli injurieux des égards qu’il doit au pouvoir législatif. C’est au ministère de convaincre l’assemblée par ses bonnes raisons, ou de subir avec ses conséquences le blâme que la commission menace de lui infliger dans l’ordre du jour proposé en son nom par le rapporteur. La discussion s’ouvrira demain sur ce rapport.

Les chambres britanniques entreront en session au commencement de février. En attendant, c’est toujours le débat religieux, ce sont aussi de temps en temps les essais d’agitation protectioniste qui occupent l’opinion, mais sans l’absorber. La construction du palais de cristal, la gloire qu’on en espère aux yeux de l’univers entier, défraient pour leur bonne part la curiosité publique. On ne laisse pas cependant de suivre avec le même intérêt les péripéties sans cesse renouvelées du litige qui a éclaté sur tant de points à la fois depuis la prise de possession des diocèses anglais par les prélats romains. Le cardinal Wiseman n’a pas un instant perdu sa ferme contenance devant les attaques souvent grossières auxquelles il est en butte. La brutalité native de John Bull se traduit à l’aise dans ces passions populaires qui font la force de l’antipapisme ; mais le cardinal ne craint pas à l’occasion d’en appeler de cette brutalité même aux sentimens de justice qu’il sait si habilement invoquer, parce qu’il en connaît tout l’effet sur l’humeur du peuple anglais. Dernièrement encore, un orateur de meeting, dans le feu des invectives qu’il adressait au cardinal à cause de son origine prétendue espagnole, avait été jusqu’à calomnier sa naissance ; le prélat a voulu répondre, et il a répondu de la manière la plus propre à se concilier cette sympathie qui en Angleterre manque rarement à la loyauté du fair play. Il a répondu non pas pour lui, mais pour l’honneur de sa vieille mère, dont on venait ainsi troubler la vie sans respect pour ses quatre-vingts ans ; il a sommé son agresseur, d’un ton très naturel et très haut, de faire la réparation d’honnête homme que tout gentleman devait à la victime d’une pareille injure. Ces vives façons d’agir et d’écrire, qui sont bien dans le caractère de son pays, contribueront peut-être plus à ramener les esprits au cardinal que toutes les félicitations officielles qui lui sont envoyées