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de beaucoup celle des estampes exécutées jadis d’après les plus vastes compositions des grands maîtres. Certes, on n’a pas le droit d’exiger, dans l’exécution de pareils portraits, le style qui convient aux sujets de pure imagination : on peut, on doit même, selon nous, regretter que le talent ne s’inspire pas de la contemplation de plus nobles modèles, mais on ne saurait méconnaître la fidélité avec laquelle sont rendus ces types de la réalité vulgaire. Les nombreux artistes qui gravent les tableaux de M. Landseer, n’ayant à se préoccuper que de l’incitation matérielle, mélangent tous les procédés pour atteindre l’unique but qu’ils se proposent. L’eau-forte, la manière noire, le travail de la pointe sèche, se combinent dans leurs planches, où les objets se trouvent représentés avec un relief singulier et une grande vérité d’aspect. L’emploi de certains instrumens particuliers et de ressources mécaniques, ignorées ou négligées ailleurs qu’en Angleterre, achève de produire l’illusion ; il semble difficile de donner aux poils ou aux plumes des animaux une apparence plus soyeuse, à tous les détails une couleur plus brillante, mais il ne faut pas qu’une figure humaine participe à la scène : tout le charme s’évanouit alors, et les qualités dont certaines parties sont empreintes ne servent qu’à faire ressortir les défauts des parties essentielles. La Chasse à la Loutre, gravée par M. Lewis, en fournirait la preuve. Le genre une fois admis, cette planche serait presque un chef-d’œuvre ; les chiens respirent et se meuvent, la fourrure de la loutre a tout le moelleux de la nature, le paysage même et le ciel qui l’éclaire sont d’un effet juste et vivement rendu : malheureusement, au milieu de cette estampe où circule la vie, s’élève la figure inerte du chasseur. À en juger par la façon dont elle est traitée, on croirait que le graveur l’a regardée comme un accessoire à peu près inutile ; cependant elle attire l’attention par l’importance de la place qu’elle occupe, et il est impossible de se contenter de cette pauvreté de dessin là où l’exécution devrait être surtout précise et accentuée. Le mieux serait donc que M. Lewis et les graveurs dont le talent est analogue au sien s’en tinssent aux études qui leur sont familières : études d’un ordre fort inférieur sans doute, mais aux résultats desquelles on ne saurait refuser le mérite de l’exactitude, à défaut de qualités que ce genre ne comporte pas.

La gravure, pratiquée comme elle l’est maintenant en Angleterre, est moins un art qu’une industrie. Ses innombrables produits n’y enthousiasment pas plus ceux qui les confectionnent que ceux qui les achètent ; ils ne sont pas réclamés par un besoin de l’esprit, ils offrent seulement la satisfaction d’une habitude. George III, on l’a vu, avait encouragé de tout son pouvoir les travaux du burin, et l’exportation ales estampes était devenue bientôt une source de richesse pour le commerce anglais. Comment la nation aurait-elle laissé passer avec insouciance