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étendue. Ce sont le Bastan et ses annexés, au nord ; puis, en descendant au sud, Lauz, Erro, Roncevaux, Ayescoa, Salazar, Roucal, etc. ; enfin les Amescoas, Borunda, Berrueza, Solana, Guezalaz, Araquil, etc.

En inclinant à l’ouest, de Pampelune à Vittoria, on trouve cette fameuse route qui rejoint les deux plaines au bord desquelles sont assises les deux capitales de la Navarre et de l’Alava, et où nous allons retrouver ces mêmes guerrillas si funestes à nos convois durant notre guerre en Espagne. Les Navarrais qui habitent ces villages perdus au sein des montagnes sont des cultivateurs paresseux et des soldats infatigables. Tant qu’ils ne sont pas sollicités par des distractions excessives ou par des dangers incessans, rien ne peut les arracher à leur indolence. Sobres comme des Arabes, ils passeront des journées entières sans manger, en fumant des cigarettes ; mais qu’une fête locale arrive, ils la feront durer quatre et cinq jours, au milieu de festins qui dureront quatre et cinq heures. Contrebandiers quand ils ne sont pas soldats, ils ne songent pas au gain, ils ne rêvent que l’aventure. Pendant ce temps, ils laissent leurs femmes cultiver le champ qui doit les nourrir, et l’on a remarqué que la Navarre n’est jamais mieux cultivée que lorsque les hommes ont pris le mousquet. Jaloux de leur indépendance, ils tiennent à leurs coutumes locales, à leurs fueros, comme à une superstition. « Libres comme le roi, » disent ils d’eux mêmes. : aussi aiment ils le roi, mais le roi libre, el rey netto, comme le patron naturel de leurs propres libertés : seulement, à ce roi qu’ils proclament comme un principe absolu ; ils refusent sur eux le droit d’impôt et le droit de service militaire.

En stimulant leur fierté et leur orgueil, on peut les rendre capables de tous les héroïsmes ; mais ils ne feront rien au nom de la discipline. Quelques jours après son avènement, Zumalacarregui voulut les conduire dans la Ribera pour stimuler l’émulation insurrectionnelle des habitans ; mais ils s’habituèrent si bien aux doux fruits de la plaine, au vin généreux de Péralta, à l’hospitalité prodigue qui les accueillait partout, que l’autorité de leur chef fut complètement méconnue lorsqu’il donna l’ordre du départ. Il fallut que Zumalacarregui, pour les entraîner, leur dît qu’il y avait des insurgés à secourir et des christinos à surprendre. Les Navarrais ne comprennent point l’honneur militaire comme les soldats d’une armée ordinaire ; ils ne mettent même aucun scrupule à fuir devant l’ennemi au milieu du combat. Ce n’est pas qu’ils redoutent le danger : ils ne veulent point qu’il soit dit qu’ils ont eu le dessous dans la lutte ; ils trouvent la fuite moins déshonorante qu’une défaite. Lorsque vous les croyez en déroute, ils cherchent un endroit plus avantageux pour y attendre leurs adversaires. Faites leur espérer l’honneur de vaincre, ils feront vingt lieues tout d’une traite pour atteindre le lieu de la rencontre. Sans cela, ils se débandent