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le tort de tourner au plagiat. En face d’un état de choses aussi difficile à étudier qu’à gouverner, ne faudrait-il pas que toutes les parties qui s’y trouvent aux prises rivalisassent du moins de sang-froid sinon de patriotisme ? Est-ce là pourtant le spectacle que nous a donné le dernier épisode au souvenir duquel toutes ces réflexions nous viennent ? Où est le profit, soit d’un côté, soit de l’autre, d’avoir livré cette bataille de plus ? Il eût mieux valu, pour le président, de ne pas l’engager ; il eût mieux valu, pour la chambre, de ne pas l’accepter. C’est à la longue une triste habitude que prend l’opinion de n’avoir avec personne son entier contentement, et c’est pour nous une assez fâcheuse obligation de nous faire l’écho d’une critique si uniformément répartie. Il était cependant trop clair que le président, qui avait toujours jusqu’alors si bien ménagé sa position, ne choisissait pas cette fois le meilleur terrain, en soulevant quand même une de ces questions d’argent qui ne sont jamais favorables. Il n’a pas été moins sensible que tous les membres récalcitrans de l’assemblée n’invoquaient, en somme, que des argumens plus que médiocres pour se défendre, ou d’avoir été trop généreux l’année dernière, ou d’avoir cette année des scrupules trop excessifs. Il a paru que le président aurait pu se dispenser de brusquer une rencontre dont le résultat était trop prévu, et puis qu’on s’attendait si bien au refus de la dotation, il ne servait à rien d’avoir l’air de l’aller chercher exprès. La majorité de l’assemblée s’est à son tour exaltée dans son humeur la moins accommodante, et elle a semblé très préoccupée de la manière dont elle rendrait son refus aussi dur que possible, très peu d’aviser aux moyens de conciliation. Elle a choisi la personne qu’il fallait pour dire nettement le fait qu’elle voulait dire et ne point mâcher ses procédés : du moment où l’on tenait à être d’une franchise absolue, l’on ne pouvait s’en rapporter à qui que ce soit mieux qu’à M. Piscatory. Des gens pacifiques auraient préféré quelques circonlocutions de plus, et nous ne voyons pas ce que le pouvoir législatif a pu gagner à ce que notre ancien et excellent ministre en Grèce traitât le président à peu près comme si c’eût été sir Edmond Lyons.

D’un autre côté, il faut bien convenir que d’être défendu comme le président l’a été par M. de Lontalembert, ce n’est pas une chance très sûre de plaire à tout le monde. M. de Montalembert a trop d’esprit pour défendre quelqu’un ; l’amour du trait et de la phrase l’emporte chez lui surtout l’amour qu’il pourrait vouer à son client. On ne tire de ce patronage trop moqueur que des inimitiés de plus, et l’on n’est pas bien certain de n’être point moqué soi-même par son avocat.

La défense et l’attaque étant remises à de pareilles mains, on conçoit que deux pouvoirs aient eu vis-à-vis du public toute l’apparence de se quereller avec délices beaucoup plutôt qu’ils n’ont semblé touchés des déplorables effets de leur hostilité. Nous ne saurions décrire l’amertume, le dégoût que l’acharnement opiniâtre de ces jalousies par tant d’endroits si mesquines répandent de plus en plus dans tous les cœurs bien placés, dans tous les esprits indépendans. On s’étonne à la fin et c’est l’étonnement douloureux, de voir des luttes si personnelles engagées à la face du pays dans les régions supérieure de l’état ; on se sent humilié du peu de souci que les pouvoirs prennent, au milieu de ces débats quotidiens, du plus prochain avenir de la France. On souffre d’une impatience chaque jour plus chagrine à mesure que chacun des