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derniers venus dans la famille chrétienne, ces trois peuples ont conservé un souvenir moins effacé du berceau commun. La véritable interprétation du curieux traité de Tacite sur la religion et les mœurs des Germains nos ancêtres se trouve dans les sagas islandaises ; l’admirable musée scandinave de Copenhague nous révèle des origines inconnues, et les idiomes des races germaniques laissent pénétrer la moitié de leurs secrets à qui connaît les langues du Nord. Redevables de leur introduction dans la sphère de la politique continentale au christianisme, puis à la France, les états scandinaves ont conservé pour nous une sorte de déférence filiale. La France ne saurait donc être indifférente aux idées qui agitent depuis quelques années ces trois pays. Le Danemark a été notre dernier, notre plus fidèle allié dans nos luttes contre l’Europe entière. La Suède a inscrit dans ses annales deux dates qui sont inscrites aussi dans les nôtres : 1648 et 1812. La Norvége, réunie depuis 1814 à la monarchie suédoise, est plus républicaine par ses institutions et surtout par ses mœurs que beaucoup de républiques. Ces trois états, placés au nord de notre continent, entre l’Angleterre et la Russie, peuvent être appelés, dans le cas d’un conflit européen, à servir de contre-poids utile ou de centre d’opérations redoutables. L’Angleterre cherche à s’emparer de leur commerce. La Russie les entoure, elle les enlace de toutes parts. La Finlande, autrefois suédoise, est russe depuis 1809 ; la Baltique ne sera bientôt plus qu’un lac de Russie. Les Russes occupent les îles d’Aland, et leurs canons sont à dix-huit lieues de Stockholm. La Prusse menace de son côté l’indépendance du Danemark ; vaincue par les armes, elle essaie encore d’attirer à elle les duchés par l’appât du gain, et la récente union du Zollverein et du Steuerverein n’est pas un fait insignifiant dans l’histoire de la lutte slesvig-holsteinoise.

En présence de ces dangers, les peuples scandinaves s’efforcent de faire bonne contenance et de serrer les rangs. En 1849, le Danemark, en même temps qu’il triomphait des Allemands à Fredericia et Idstedt, s’est élevé au rang de monarchie parlementaire, et le gouvernement suédois, de son côté, a présenté lui-même à la diète qui vient de terminer ses travaux un projet de réforme constitutionnelle. L’idée d’une nouvelle union entre les peuples scandinaves s’est aussi produite et rencontre dans chacun des trois pays de chaleureuses adhésions. L’agitation politique qui se propage ainsi s’est annoncée par une agitation littéraire à peu près semblable à celle qui, chez nous, a occupé la première moitié du XIXe siècle. Une sorte de renaissance anime depuis cinquante ans les populations du Nord. Une nouvelle école de poètes, que les Suédois ont nommés les phosphoristes, a secoué la domination du goût français, devenue excessive pendant le règne de Gustave III, et a suscité l’école appelée gothique, qui, vraiment nationale, a chassé toutes les influences étrangères et banni toutes les imitations. En évoquant