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Américains ont un faible pour l’art militaire ; en cela, ils diffèrent des Anglais. Les Anglais sont aussi braves qu’aucun autre peuple, mais chez eux l’état militaire est peu considéré. Un père, même dans une condition modeste, ne le voit prendre à son fils qu’à regret. L’on n’a en Angleterre nul goût pour le tambour et l’uniforme ; il n’en est pas de même aux États-Unis. J’ai vu des enfans s’amuser à faire l’exercice et manœuvrer pour leur récréation, comme des gamins de Paris. La guerre du Mexique a développé cette disposition guerrière. On s’accoutume aux présidens militaires ; il y a là peut-être le germe d’un grand changement dans le caractère et les institutions du peuple américain.

En principe, tout le monde fait partie de la milice ; mais il se trouve assez de miliciens de bonne volonté, portant l’uniforme, enrégimentés en compagnies de volontaires et faisant l’exercice, pour qu’on n’exige rien de semblable des autres citoyens. Seulement, à Boston du moins, chacun sans exception est obligé d’avoir des armes. Deux fois par an, on est requis de montrer qu’on est armé au complet.

M. Fillmore n’est pas un de ces présidens belliqueux dont je parlais plus haut. Hier, il a passé une revue. Après quelque hésitation, disait le journal, on lui a donné un bon cheval, que les policemen retenaient chaque fois que les coups de canon le faisaient cabrer. Les Américains n’éprouvent pas le besoin, depuis longtemps proverbial en France, que le pouvoir sache monter à cheval.

J’ai vu avec plaisir qu’en tête de la procession industrielle était porté un objet d’art, une statue, l’Indien mourant, œuvre d’un statuaire américain. Il est vrai que tout de suite après venait, probablement pour désigner le métier de fourreur ou de marchand de pommade, un ours empaillé ; puis, différentes voitures se sont succédé. Un groupe de voitures était suivi d’un groupe de soldats. Sur l’un de ces véhicules il y avait des fauteuils et des chaises, sur l’autre des chapeaux. Un modèle de vaisseau était porté sur un char que traînaient six chevaux blancs. Le Museum était représenté par un éléphant de bois que traînaient des Indiens, puis venaient les fabricans de drap, les teinturiers, les fondeurs, les orfèvres, etc. Plusieurs industries étaient en exercice : sur le char des menuisiers on rabotait, sur le char des forgerons on forgeait, sur le char des imprimeurs on imprimait et l’on distribuait des prospectus ; la foule se les disputait, comme à Rome on se dispute l’indulgence lancée d’une fenêtre après la bénédiction du pape. Au reste, il y avait dans tout cela beaucoup de ce que nous nommons réclame. Les noms des principaux fabricans de Boston étaient très en évidence dans la procession. On lisait des inscriptions en général amusantes par leur emphase, par