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baptiser à chaque nouvelle mission. Il est vrai que les robes blanches dont on les habille, et les souliers à boucles d’argent dont on les chausse le jour de leur baptême, entretiennent singulièrement leur ferveur de néophyte. Les rigides méthodistes sont contraints de recourir à ces moyens pour faire des prosélytes ; on en a vu même, poussant plus loin l’indulgence, permettre aux nègres, — dont ils mettaient un peu trop par leurs discours la patience à l’épreuve, — des rondes et des mouvemens cadencés autour de la chaire, ce qui finissait par dégénérer en gambades exécutées au chant des psaumes.

Le baptême par immersion n’est, on le voit, qu’un emprunt fait par les Mormons à des sectes plus anciennes : l’imposition des mains a, chez les Mormons comme chez les Irvingiens, un tout autre caractère. Les deux sectes se fondent sur les Actes des Apôtres pour établir que le don du Saint-Esprit est perpétué parmi les saints à l’aide de cette cérémonie. Le droit d’imposer le mains appartient aux apôtres ou aux anciens, leurs délégués, et le don du Saint-Esprit ne doit être communiqué qu’à ceux qui croient, se repentent et sont baptisés dans la nouvelle église de Jésus-Christ. Cette imposition des mains constitue le baptême de l’esprit. De même que l’immersion, le baptême de l’eau. Ceux auxquels ces deux baptêmes ont été administrés ont leurs péchés pardonnés, et deviennent les enfans, les héritiers présomptifs du royaume de Dieu.

L’argumentation par laquelle John Taylor, qui est, après Orson Pratt, le théologien mormon le plus exercé, soutient la continuation des manifestations de l’Esprit saint dans l’homme, est une des plus serrées et des plus logiques qui soient sorties de la chaire des saints du dernier jour. On dirait que John Taylor a emprunté une partie de ses raisonnemens à son prédécesseur Irving, qui le premier a défendu en Angleterre la même cause avec adresse. Le don des langues, celui de prophétie, celui même des miracles, sont les effets de l’inspiration du Saint-Esprit, et les Mormons, à l’instar des Irvingiens, en allèguent des preuves journalières. Je ne parle pas seulement de Smith, qui a prophétisé l’étonnant succès de son église et son établissement dans le Far-West, mais des autres apôtres, des autres saints, dont la vertu prophétique se décèle en une route de circonstances particulières. Cet esprit de prophétie finit souvent par dégénérer en contagion, comme on en peut juger dans ces assemblées étranges si fréquentes aux États-Unis, et qui sont connues sous le nom de general camp meetings. Là on voit des hommes appartenant aux sectes les plus diverses, méthodistes d’abord, puis quakers, presbytériens, unitaires même, s’imaginer être possédés par l’Esprit saint, et, sous l’influence de cette idée délirante, danser, sauter, grogner, japper, et finir par tomber à la renverse, en proie à de véritables accès d’épilepsie. Ces protestans, qui sont si révoltés de l’encens et des génuflexions de l’église romaine, empruntés au paganisme, ne se font aucun scrupule de renouveler les folies des galles et des corybantes. Ces prédications en plein air sont un grand moyen de prosélytisme dans le Kentucky, l’Ohio et la Virginie. Là, on voit sans cesse au milieu des clairières les field-methodists dresser leurs tréteaux, comme le font certains moines à Naples, et, à part leurs gambades, il faut reconnaître qu’ils donnent souvent de très bonnes paroles à la population.

La nouvelle secte revendique avec L’esprit de prophétie le don des miracles.