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— « Las ! mon cher oiselet ! las ! ils l’ont mis à mort !
« Adieu, joie ! » Et ses pleurs amers coulaient plus fort ;

Car elle avait jadis connu les douces larmes
Et les nuits de bonheur avant ce jour d’alarmes.

II.


— « Dites, ma jeune épouse, au milieu de la nuit,
Pourquoi donc vous lever si souvent et sans bruit ?

Quand je dors près de vous, mon épouse nouvelle,
Pourquoi me laisser seul ? — Sire, répondit-elle,

C’est qu’à l’heure où la lune illumine les eaux,
J’aime à voir sur la mer passer les grands vaisseaux.

— Non ! ce n’est pas pour voir la mer et les étoiles !
Ni sur les grandes eaux passer les grandes voiles !

Çà, madame, parlez sans leurre à votre époux :
Au milieu de la nuit pourquoi vous levez-vous ?

— Quand mon petit enfant dans sa couche repose.
J’aime à voir ses yeux clos et sa bouchette rose.

— Non ! ce n’est pas pour voir le sommeil d’un enfant
Que, pieds nus, de mon lit vous sortez si souvent !

— Mon vieil et cher époux, grâce pour votre dame !
Voici tout mon secret, pur caprice de femme :

La nuit un rossignol chante en notre jardin ;
Dès que la mer s’endort, lui s’éveille soudain ;

Sur le rosier en fleur jusqu’à l’aurore il chante,
Et si douce est sa voix, si claire, si touchante ! »

La jeune dame ainsi parlait au vieux seigneur
Qui murmurait, songeant à venger son honneur :

— « Mensonge ou vérité, vertueuse ou parjure,
Demain le rossignol sera pris, je le jure. »

Le jour venant à luire, il dit au jardinier :
— « Mon ami, pour un jour laisse là ton métier.

Un souci me travaille : à peine je sommeille.
Qu’un maudit rossignol dans le clos me réveille ;

Dresse donc tes gluaux, d’engins couvre le sol :
Je te baille un son d’or si j’ai le rossignol. »

L’oiseleur fit trop bien son métier, et le traître
Prit un chanteur nocturne et l’offrit à son maître ;

Et quand le vieux seigneur tint le pauvre captif.
Il rit d’un méchant rire, et, serrant le chétif,

Brusquement l’étouffa ; puis, d’une main jalouse.
L’ayant jeté saignant au sein de son épouse ;