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sans que toutes les autres éprouvent une évolution correspondante. Plus on les appréciera, plus l’érudition deviendra ferme et fructueuse. L’histoire a fait un pas considérable en recevant dans sa doctrine générale cette grande notion des rapports et des coexistences. Par une connexion toute naturelle, ce qui est vrai de la science ne l’est pas moins de la morale. Il y a aussi dans ce domaine des correspondances nécessaires et des niveaux successifs ; il ne s’agit pas ici des actes individuels, car, sans doute, en tout temps et en tout lieu se sont produites les actions les plus héroïques et les plus criminelles ; mais il s’agit de cette moralité collective, de cette opinion publique qui, suivant les époques, permet et défend. Or celle-là est sous la dépendance certaine de l’ensemble des choses sociales ; elle n’est la même ni dans l’âge du paganisme gréco-romain, ni dans les siècles où l’église et la féodalité dominèrent, ni dans la période de dissolution révolutionnaire qui ébranla l’édifice du moyen âge. Comme la science croissante a pour effet de faire prévaloir les idées générales, la moralité croissante a pour effet de faire prévaloir les intérêts généraux, et celui qui descendra du monde antique au monde catholico-féodal et enfin au monde moderne verra que tel est, dans l’ordre du savoir et dans l’ordre du sentiment, le développement historique.

La nature, mère de toutes les bonnes choses, l’est aussi de toutes les mauvaises, produisant avec une abondance cruelle les poisons de toute espèce. Le règne minéral en offre de nombreux ; une foule de plantes sont vénéneuses ; plusieurs animaux sont pourvus de virus très dangereux ; dans bien des maladies, certaines humeurs deviennent les véhicules d’empoisonnemens actifs : enfin la fermentation et la putréfaction, qui sont perpétuellement en jeu, donnent lieu à des émanations délétères. Ceci est l’image réelle et la cause profonde de ce qui se passe dans le monde moral, offrant, lui aussi, toutes sortes de choses mauvaises, qui sont les penchans malfaisans, les vices et les crimes. Mais de même qu’une sage industrie tend à réfréner les influences nuisibles qui abondent dans la nature, de même une sage morale tend à diminuer l’empire des penchans personnels et à augmenter celui des penchans généraux. À ce terme, il n’est pas besoin d’ajouter que, pour l’industrie qui améliore nos champs et nos arts comme pour celle qui améliore le monde social, la science est la grande ouvrière.

La médecine, qui est aujourd’hui une arme puissante dans les mains de la justice, n’est devenue capable de remplir un tel office qu’à force de travaux et de découvertes, et ces travaux, ces découvertes, longtemps l’opinion publique les lui a interdits. Dans l’antiquité, elle était privée d’une ressource essentielle, l’ouverture des corps de ceux qui ont cessé de vivre et l’examen des lésions qui ont