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à un an, trois pouces et trois quarts ; à seize mois, six pouces, et à deux ans, six pouces et demi. À cette dernière époque, où ils revêtent la livrée d’émigration et où on les désigne dans la Grande-Bretagne sous le nom de parr, la laitance des mâles était arrivée à un état de maturité suffisant pour pouvoir féconder des oeufs de femelles adultes. On doit encore à M. Shaw, ainsi qu’à M. Andrew Young[1] et au docteur Knox, la connaissance approfondie de diverses particularités relatives à la monogamie des saumons et aux manœuvres que la femelle exécute sur la frayère ; mais ces recherches paraissent n’avoir eu aucun résultat pratique digne de quelque attention.

Un ingénieur de Hammersmith, nommé Gottlieb Boccius, a publié en 1848, à Londres, un court traité de l’Aménagement des Rivières[2] ; il y préconise la méthode des fécondations artificielles, mais sans produire aucun fait positif prouvant qu’il ait lui-même expérimenté avec succès. Depuis cette époque, il a assuré à M. Milne-Edwards qu’il avait opéré en 1841 sur les cours d’eau appartenant à M. Drummoud dans le voisinage d’Uxbridge, puis dans les propriétés du duc de Devonshire à Chatsvvorth, chez M. Gurnie à Carsalton et chez M. Hihberts à Chalfort. M. Boccius aurait déjà élevé environ deux millions de petites truites.

La découverte de Jacobi avait traversé heureusement, on le voit, l’épreuve de l’application en Angleterre comme en Allemagne. Jusqu’en 1848 cependant, la France était restée fort en arrière dans les essais de ce genre. Bien qu’elle eût, plus que tout autre pays peut-être, besoin de moyens capables de remédier à l’appauvrissement de ses eaux, les agronomes français ne se préoccupaient guère de cette question. Un seul, le baron de Rivière, présenta, en 1840, à la Société centrale d’Agriculture, des considérations très savantes et très sensées sur l’ichthyologie envisagée dans ses rapports avec les besoins de l’homme et les profits de l’agriculture[3]. Il insista notamment sur les avantages qu’il y aurait à prendre au printemps les bouirons ou petites anguilles qui abondent à l’embouchure des fleuves et à les disperser dans les viviers, les étangs, les mares et jusque dans les fosses vaseuses, où elles vivent fort bien. Il s’assura qu’on pouvait les transporter vivantes dans des tonneaux pleins d’eau sans qu’elles parussent en souffrir beaucoup ; mais si l’on avait à sa disposition des rivières ou des canaux, il trouvait préférable de se servir de ces bateaux percés de trous, en communication avec l’eau, qu’on appelle boutiques ou bascules, et dans le midi - serves. C’est dans le mémoire de M. de Rivière que se trouve prononcé pour la première fois le mot pisciculture ; il l’emploie avec hésitation pour désigner cette nouvelle branche de l’économie rurale, qui, dit-il, est encore à créer.


II

L’année 1848 vit commencer en France une ère toute nouvelle pour l’économie des eaux. Nous croyons juste de dire que, si l’application des fécondations

  1. Natural History and habits of the Salmon. Wick, 1848.
  2. Trealise of the management of fish in rivers and streams. 1848. — La traduction allemande de cet ouvrage par Arnold Gunderlich, 1851, contient en outre des extraits de MM. Loudon, de Quatrefages, Milne-Edwards, etc.
  3. Mémoires de la Société centrale d’Agriculture, t. XLVIII, p. 171. 1840.