Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/1027

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commune de Waldenstein, et ont jeté environ 50,000 jeunes truites dans la Moselotte, un des affluens de la Moselle. Ces résultats étaient trop considérables et promettaient trop d’avantages à l’industrie de nos rivières pour ne pas attirer l’attention publique et même celle du gouvernement. En 1850, M, Milne-Edwards fut officiellement chargé par le ministre de l’agriculture de s’assurer de l’exactitude des faits annoncés et d’en apprécier la valeur. Après avoir recueilli en Angleterre quelques renseignemens sur des expériences de même ordre, il se rendit dans les Vosges, et visita le petit établissement des pêcheurs de La Bresse. Dans un très remarquable rapport[1], il rendit compte, des intéressans travaux de Rémy et de Géhin, et, tout en rappelant que la découverte des fécondations artificielles remontait au siècle dernier, il proclama que les pêcheurs de La Bresse ont été les premiers à en faire chez nous l’application, et qu’ils ont le mérite d’avoir créé ainsi en France une industrie nouvelle. Le savant doyen de la faculté des sciences de Paris concluait à une grande expérience d’empoissonnement des eaux de la France dont il regardait le succès comme probable, si les essais étaient conduits avec sagesse. Il lui semblait que charger de ce travail les deux pêcheurs de La Bresse serait la meilleure récompense que le gouvernement put leur accorder. La Société Philomatique ne tarda pas à émettre un semblable vœu par l’organe de M. de Quatrefages[2].

La première note de M. de Quatrefages, la divulgation des succès obtenus par les pêcheurs de La Bresse, le beau rapport de M. Milne-Edwards, ont imprimé une impulsion puissante à la pisciculture et provoqué de toutes parts des applications variées. C’est sous l’influence de ces premiers travaux que commença sur beaucoup de points de la France la grande expérience qui se poursuit en ce moment. On n’en appréciera pleinement la valeur que lorsqu’elle sera terminée ; mais elle est assez avancée déjà pour permettre d’espérer que dans la plupart des cas la méthode des fécondations artificielles produira d’importans résultats. Un certain nombre de savans éminens et d’habiles praticiens ont pris part à ce mouvement, qui, loin de se ralentir, s’accroît au contraire et se propage chaque jour davantage. Parmi ceux qui ont le plus contribué par leurs écrits ou par leurs études pratiques aux progrès toujours croissans de la pisciculture, outre Rémy et Géhin, outre M. Milne-Edwards et M. de Quatrefages, nous devons citer encore M. Valenciennes, dont les connaissances en ichthyologie sont si vastes et si profondes ; M. Millet, inspecteur des eaux et forêts ; M. Coste, professeur au Collège de France ; MM. Borthot et Detzem, ingénieurs des ponts et chaussées ; M. Paul Gervais[3] à Montpellier, M. J. Fournet[4] à Lyon, M. F. Defilippi[5] à Turin.

M. Valenciennes[6] a réalisé au moins en partie l’espoir qu’on a souvent

  1. Annales des sciences naturelles, troisième série, t. XIV, p. 53, 1850 ; Journal d’agriculture pratique, troisième série, t. I, p. 593, etc.
  2. Journal d’agriculture pratique du 5 juin 1852.
  3. Bulletin de la Société d’agriculture de l’Hérault, juillet 1852.
  4. Mémoires de la Société d’agriculture de Lyon, mai 1853.
  5. Importanza economica dei pesci e del loro allevamento artificiale.
  6. Rapport sur les espèces de poissons de la Prusse qui pourraient être importées et acclimatées dans les eaux douces de la France. — Annales agronomiques, t. II, p. 213,1851.