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des finances un autre homme également capable et également marqué à cette terrible effigie de 1821, M. Gallina. Il fallait quatre ans et un incident étrange où se peint tout entière cette politique.

Le membre du conseil le plus opposé à la nomination de M. Gallina était le ministre de l’intérieur, M. de la Scarena, et c’est par lui que tout arrivait. M. de la Scarena était un homme entièrement dévoué à toutes les influences absolutistes et particulièrement docile aux impulsions du ministre d’Autriche à Turin. Pour tout dire, sa police commençait par s’exercer sur Charles-Albert lui-même. M. de la Scarena avait même, dit-on, l’imprudence de laisser échapper cet aveu, en exprimant les opinions les plus injurieuses sur le roi, et en ajoutant qu’à la première folie le maréchal Radetzky serait à Turin pour le forcer à abdiquer. Par malheur, M. de la Scarena, dans ses œuvres de police, avait l’idée d’employer un personnage qui avait joué un grand rôle dans la police romaine en 1814, et qui avait disparu un jour pour les motifs les moins politiques, — Tiberio Pacca. Le chef-d’œuvre de Tiberio Pacca fut d’imaginer une vaste conspiration où était enveloppé tout ce qui était soupçonné d’inclinations plus ou moins libérales, jusqu’aux amis les plus dévoués de Charles-Albert, jusqu’à M. César de Saluces, gouverneur du duc de Savoie. C’est là qu’échouait cette œuvre, imaginée en réalité pour effrayer le roi et suivie par lui d’un œil froid et silencieux dans tout son développement. M. de la Scarena se croyait sûr encore de tout tenir dans la trame de Pacca, qu’il était subitement évincé du ministère. « J’en ai assez de celui-là, » disait le roi. M. de la Scarena avait pour successeur le ministre des finances, M. Pralormo, — et à la place de ce dernier M. Gallina arrivait définitivement. C’est ainsi que Charles-Albert marchait pas à pas, frayant un chemin à des hommes qui répondaient mieux à sa pensée, qui représentaient au degré le plus modéré un certain libéralisme de vues. Il est vrai qu’en même temps le comte Solar della Margarita, nommé secrétaire d’état aux affaires étrangères, restait le champion des tendances absolutistes, — de telle façon que l’intérieur du ministère était un conflit permanent entre deux influences nettement prononcées et antipathiques.

Réunir des hommes divisés d’opinions, les équilibrer, les opposer les uns aux autres, ce n’est point un système nouveau de gouvernement. Charles-Albert le rajeunissait en lui donnant un autre nom ; c’était ce qu’il appelait faire tordre le museau aux hommes. Mais enfin de quel côté était la véritable pensée de Charles-Albert ? Le prix qu’il attachait à faire arriver au pouvoir M. de Villamarina et M. Gallina ne l’indique-t-il pas ? M. della Margarita lui-même ne se faisait point d’illusions. Il le dit dans l’histoire qu’il a tracée de son ministère sous le titre de Mémorandum historico-politique : « Je n’étais point