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depuis 1790[1]… L’assemblée, à ce que je puis comprendre, soutiendra le parti de la cour… La grande différence entre l’ancienne et la nouvelle administration, c’est qu’avec les ministres qu’on vient de renvoyer, le roi pouvait rester à Paris, les alliés se tenant sur la frontière ; avec ses nouveaux serviteurs, on semble s’accorder à penser que si les troupes alliées se retiraient, sa majesté ne resterait pas une semaine sur son trône… C’est une sérieuse épreuve… Les relations du duc de Richelieu avec l’empereur de Russie et le fait que Pozzo est fort avant dans tout ce qui se passe donnent au nouveau cabinet une forte couleur russe, et déjà on commence à l’attaquer sous ce rapport. Jusqu’à présent pourtant, malgré le ton de protection qu’affecte l’empereur et qu’il aime tant à prendre, je ne pense pas que nous ayons aucun motif de nous plaindre de la conduite de sa majesté impériale par rapport à aucun des points de la négociation. »


On voit que lord Castlereagh prenait assez patiemment la substitution d’un ministère animé de tendances russes à un autre ministère dont la politique extérieure était fondée sur l’alliance anglaise. Lord Liverpool, en lui répondant, qualifia avec plus de sévérité le changement qui venait d’avoir lieu. Suivant lui, le roi avait fait preuve d’un défaut absolu de jugement en congédiant ses conseillers dans de pareilles conjonctures, et on avait peine à concevoir que pour se défaire d’hommes qu’il n’aimait pas, il n’eût pas attendu la signature d’une paix humiliante dont ils auraient emporté avec eux la responsabilité. Lord Castlereagh n’en persista pas moins dans ses appréciations indulgentes : « Vous entendrez parler, écrivait-il le 1er octobre à lord Liverpool, de beaucoup de coquetteries entre les Français et les Russes. Le duc de Richelieu est certainement un lien entre les deux pays, mais je ne vois pas que ni d’un côté ni de l’autre on ait, au moins quant à présent, de motifs raisonnables pour former une liaison qui vraisemblablement changerait l’état des affaires, et je crois que nous aurions tort de nous laisser entraîner, par la jalousie que nous pourrions en éprouver, à affaiblir le gouvernement du duc de Richelieu. Le grand objet est de maintenir le roi sur son trône. Un système de modération est, je pense, le meilleur moyen d’y parvenir, et je ne crois pas que le duc veuille se jeter dans les extravagances ; mais il aura de grandes difficultés à vaincre. Néanmoins j’augure mieux de son avenir que je ne le faisais d’abord. »

C’était aussi le sentiment du duc de Wellington, bien qu’il en donnât d’autres raisons : « Mon opinion, écrivait-il à lord Liverpool, est que le roi et son gouvernement sont en meilleure condition qu’ils n’étaient il y a un an, parce qu’il n’y a plus personne qui se présente comme pouvant se mettre à la tête d’un mouvement contre eux, parce que personne n’inspire assez de confiance et ne possède assez

  1. Cela n’était pas tout à fait exact. M. de Richelieu était venu un moment en France pendant le consulat.