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le traitement des houilles et des fontes belges à leur entrée en France. Nous avons déjà dit que ces deux produits jouissent, en vertu de notre tarif général, d’un droit de faveur, lorsqu’ils entrent par la frontière du nord. Lors des négociations de 1842 et de 1845, le gouvernement français, tout en affirmant qu’il n’avait point l’intention de modifier cet état de choses, s’était refusé à consacrer par un engagement diplomatique le maintien du régime des zones ; il entendait ainsi ne point aliéner sa liberté d’action. En 1852, le cabinet de Bruxelles insista de nouveau pour que le traité destiné à remplacer la convention de 1845 renfermât une disposition précise sur le tarif des houilles et des fontes. Cette prétention fut péremptoirement écartée, et l’on a vu plus haut par quel enchaînement de circonstances le gouvernement français se vit amené à élever ce tarif, afin de déterminer le gouvernement belge à renouer les négociations qui ont abouti au traité de 1854. La difficulté devait se représenter lors de la discussion de ce traité ; mais comme de part et d’autre les sentimens étaient devenus plus concilians, elle fut aisément résolue au moyen de la rédaction suivante : «… Le taux des droits actuellement en vigueur pour les houilles et les fontes d’origine belge importées en France par les frontières de terre ne sera pis exhaussé. — Toutefois, si un grand intérêt national et des circonstances de force majeure imposaient au gouvernement de sa majesté l’empereur des Français l’obligation d’élever son tarif de douanes à l’égard des deux produits précités, il est convenu que le gouvernement de sa majesté le roi des Belges aurait le droit de dénoncer le présent traité et d’en faire intégralement cesser les effets dans les trois mois qui suivront la date de cette dénonciation. » (Article 17.) - Cette rédaction n’engage point l’avenir, et elle est conçue en termes tels que les deux gouvernemens pouvaient s’y rallier sans paraître démentir leurs anciennes prétentions, sans éprouver dans leur dignité ni dans leurs intérêts matériels aucune atteinte.

On s’explique l’insistance avec laquelle le cabinet de Bruxelles s’est attaché à stipuler pour les houilles le maintien du régime favorable qui leur est actuellement appliqué. La Belgique possède 134,000 hectares de terrains houillers, qui représentent environ 5 pour 100 de l’étendue totale de son territoire, et elle ne cesse d’accroître sa production. En 1831, l’extraction des houilles dépassait à peine 2 millions de tonnes, et en 1851 elle s’est élevée à plus de 6 millions. Or la consommation intérieure n’emploie que les deux tiers de cette production toujours croissante, et sur les 2 millions de tonnes qui ont été exportées en 1852, la France a pris 1,800,000 tonnes. Qu’arriverait-il, si ce débouché important faisait défaut aux houillères belges ? La Prusse ne demande à la Belgique que d’insignifiantes quantités de charbon, et aucun autre marché ne remplacerait, pour l’écoulement des produits du Hainaut, le marché français. Il est vrai que la houille anglaise, qui en 1835 ne figurait dans nos approvisonnemens que pour un chiffre relativement minime, se place aujourd’hui avec avantage sur notre littoral, et que son importation a atteint, en 1852, 560,000 tonnes, soit près du tiers de l’importation belge : mais, bien que le décret du 22 novembre 1853 ait abaissé le tarif des houilles introduites par mer et diminué ainsi l’écart qui existait au