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REVUE. — CHRONIQUE.

promis, sorte de concordat entre les partis. La question de l’esclavage s’est posée de nouveau récemment à l’occasion de l’organisation du territoire de Nebraska ; il en est résulté une lutte ardente au bout de laquelle le bill de Nebraska a fini par être adopté dans la chambre des représentans comme dans le sénat. Or le bill a une importance facile à comprendre ; il enlève au congrès la question de l’esclavage ; c’est aux territoires à décider souverainement en ce qui les concerne, quand ils sont admis dans l’Union. Voilà justement ce que ne voulait pas le parti abolitioniste ; il voulait maintenir au congrès le droit de prononcer sur ce point, en considérant l’esclavage comme une de ces questions générales qui sont au-dessus de la souveraineté individuelle des deux états. Le bill de Nebraska vient donc marquer une phase nouvelle ; c’est la défaite des free soilers et le triomphe du parti démocrate, ou plutôt encore c’est une victoire des états du sud sur les états du nord. Il ne faut point cependant s’y méprendre, le bill de Nebraska ne serait une véritable révolution que si la question de l’esclavage se trouvait définitivement tranchée pour l’avenir ; mais il est évident que la même difficulté se représentera, et une solution nouvelle peut venir effacer la solution actuelle. Le parti abolitioniste ne restera point sans doute inactif sous le coup de sa défaite. Quoi qu’il en soit, il y a une chose remarquable : c’est le parti démocrate qui triomphe aujourd’hui aux États-Unis.

On connaît les tendances de ce parti. Son idéal, c’est la souveraineté individuelle. Tout ce qui peut être enlevé au pouvoir fédéral ; il le lui retire pour en doter le pouvoir particulier de l’état. Tout ce qu’il peut enlever à l’état lui-même, il le lui enlève pour le transporter au pouvoir de la commune, et la commune elle-même, il la dépouille le plus possible au profit de l’individu. C’est une succession de démembremens de l’autorité poursuivis au profit de la souveraineté individuelle. Et à quoi va aboutir cette doctrine de la liberté universelle ? Au maintien de l’esclavage comme triomphe de la liberté elle-même ! Au milieu de tous les progrès des États-Unis et de l’incontestable puissance de cette civilisation, on ne saurait méconnaître qu’il se laisse voir un singulier mélange de barbarie et de violence. Le droit international lui-même n’est pas toujours respecté. C’est ce qui vient d’arriver en Californie, à San-Francisco, où le consul de France, M. Dillon, a été tout simplement emprisonné pour avoir refusé de comparaître comme témoin dans une affaire où était engagé le consul mexicain. Or le refus de M. Dillon se fondait sur le texte formel d’un traité. La cour du district a fini, il est vrai, par relâcher le consul de France ; mais c’est là un acte de violence pour lequel le gouvernement français demandera probablement une réparation, et peut-être d’ailleurs le gouvernement de Washington accordera-t-il lui-même celle réparation avant toute demande formelle à cet égard.

Charles de Mazade.

REVUE MUSICALE.

L’Opéra ne prodigue pas les nouveautés, et il est grand temps que la direction de ce théâtre prenne l’initiative d’une réforme reconnue nécessaire par tout le monde. On vient d’y donner un ballet en deux actes, Gemma. Le scénario est de la composition de Mme Cerrito et de M. Th. Gautier ; il présente une succession de tableaux où le magnétisme joue le rôle d’un agent