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mouvemens d’humeur. L’empereur Nicolas attribua à l’hostilité de lord Stratford de Redcliffe l’avortement de ses plans, et l’on dit que sa colère contre l’ambassadeur anglais alla si loin, qu’il voulut un instant le désigner nominativement dans son manifeste du mois de juin comme l’auteur de sa rupture avec la Porte. Cependant tout n’était pas compromis; l’empereur Nicolas pouvait encore sortir pacifiquement de la fausse position où il s’était engagé. Ce n’était pas l’intérêt des puissances européennes, qui attachaient tant de prix à la conservation de la paix, de le laisser publiquement sous le coup d’un échec diplomatique. L’Angleterre, la France aussi bien que l’Autriche et la Prusse, lui ouvrirent par la note de Vienne une issue honorable. L’empereur perdit cette occasion en tentant, par l’interprétation de M. de Nesselrode, de faire sortir de ce moyen de retraite le triomphe absolu de sa politique. Après ce nouvel échec, la mauvaise humeur de l’empereur Nicolas contre l’Angleterre redoubla. Il accusa le gouvernement anglais de méconnaître la confiance qu’il avait eue en lui ; il n’oubliait qu’une chose, c’est que, par les prétentions exorbitantes de la mission Menchikof et la dissimulation dont il les avait couvertes, il avait lui-même changé en manque de foi ses premiers témoignages de confiance. C’est ici que se placent les retours de la Russie vers la France auxquels on a fait récemment allusion dans la presse. Les journaux anglais ont peut-être exagéré sur ce point les tentatives de séduction que la politique russe aurait essayées sur la France. Si nous sommes bien informé, la France n’aurait pas eu à repousser des propositions relatives à des remaniemens de territoire. La Russie aurait tenté à deux reprises de nous éloigner de l’alliance anglaise par des insinuations et des assurances générales. La première de ces tentatives aurait eu lieu au mois de juin. L’empereur Nicolas lui-même, après de vives récriminations contre l’Angleterre, aurait adressé des félicitations à la France, qu’il affectait de représenter comme animée d’un meilleur esprit. Il engageait l’empereur des Français à se mettre directement en rapport avec lui et à traiter les grandes affaires par-dessus les chancelleries, qui, par amour-propre et routine de métier, les embrouillent et les enveniment. Le second acte de ce genre se serait passé dans une cour secondaire d’Allemagne, au mois de novembre, après le rejet du plan d’Olmütz. Le chargé d’affaires russe auprès de cette cour aurait recherché plusieurs entretiens avec le ministre français. L’envoyé russe dénonçait l’alliance anglaise comme n’offrant de sécurité à aucun état du continent. Il faisait valoir une prétendue conformité d’intérêts entre la France et la Russie. La France, suivant lui, serait dupe de son esprit chevaleresque en s’unissant aux Anglais. Ce n’est pas l’Angleterre qui se ferait un scrupule d’accepter des avances de la Russie et de laisser la France isolée. Ce qui pouvait donner de