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l’Institut de France; mais il ne vint se fixer à Paris qu’en 1842, après la mort du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III. Spontini a vécu depuis lors en France, faisant de fréquens voyages en Italie, où il est mort le 24 janvier 1851 à Majolati, lieu de sa naissance.

Lorsque Spontini vint pour la première fois à Paris, au commencement de ce siècle, une grande révolution s’était accomplie dans la musique dramatique. Après les chefs-d’œuvre de Gluck, après l’Œdipe à Colone de Sacchini, qui est de l’année 1786, Cherubini avait donné Démophon en 1788, Lodoiska en 1791, Elisa ou le Mont Saint-Bernard en 1795, Médée en 1797, et les Deux Journées en 1800; Méhul avait écrit Euphrosine et Coradin en 1790, puis Stratonice, et Lesueur avait obtenu un grand succès avec les Bardes, qui furent représentés dans le mois de juillet 1804. Ces ouvrages, d’un mérite très différent, avaient tous cette qualité commune, qu’ils visaient à la couleur dramatique par le développement des masses chorales, par la complication des morceaux d’ensemble et la vigueur de l’instrumentation où le rhythme jouait un rôle inconnu jusqu’alors. Si Cherubini, le plus grand musicien de cette génération de hardis novateurs, se rapprochait évidemment de Mozart par la sérénité et la morbidesse de ses mélodies, par l’élégance de son harmonie, et surtout par la sobriété et l’élévation de style qui caractérisent l’auteur d’Idoménée et de Don Juan, Méhul était plus directement inspiré par Gluck, qui lui avait donné des conseils, et dont il reproduit l’accent pathétique et religieux aussi bien dans Stratonice que dans Joseph. C’est dans ce milieu de grands artistes qui avaient traversé la révolution, dont ils avaient subi l’influence, que parut Spontini, médiocre musicien, mais doué d’une organisation puissante, qui le rendait éminemment propre à ressentir fortement les idées et les passions du temps. Il n’est pas probable, en effet, que Spontini ait eu d’autres préoccupations que celle de s’assimiler, un peu au hasard, les formes et les couleurs qui répondaient le mieux à son tempérament passionné. Les œuvres de Gluck, particulièrement ses deux Iphigénie et son Armide, ont dû être les sources où le génie du jeune compositeur italien aura puisé cet enthousiasme créateur qui fait dire à tout artiste qui a trouvé sa voie : Anch’io son pittore ! Tels étaient les antécédens de Spontini, lorsqu’il reçut le poème de la Vestale, dont le sujet, éminemment approprié au goût de l’époque et à la nature de ses facultés, fit jaillir de son cœur un chef-d’œuvre de passion.

L’ouverture est d’un beau caractère, et par certains détails d’instrumentation tels que le petit solo de clarinette dans l’allégro en ré majeur, accent mélodique qu’on retrouve dans l’introduction de Tancredi, on voit tout d’abord combien Rossini a été vivement impressionné par le chef-d’œuvre de son illustre prédécesseur et compatriote. Il n’est pas inutile non plus de faire remarquer qu’à la trente-cinquième mesure de ce même allegro en majeur, alors que les instrumens à cordes attaquent vigoureusement le fa naturel, il y a dans ce passage et les mesures qui suivent une forte réminiscence de l’ouverture de Don Juan. Le début du premier acte, avec ces grands récitatifs qui précèdent l’air de Cinna, forme une belle et noble exposition. Le duo qui suit, entre Liciuius et Cinna, — Quand l’amitié seconde mon courage, — n’a rien perdu, depuis quarante ans qu’on le chante dans tous les carrefours du monde, de la chaleur intense qui le pénètre et le vivifie. L’hymne