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membres du haut clergé ainsi qu’aux moines. C’est parmi ces derniers seulement, comme c’est l’usage en Russie et dans l’Orient en général, que se recrutent les dignitaires, évêques, archevêques et patriarches; c’est des couvens que sortent les vartabeds ou docteurs en théologie qui sont chargés de l’enseignement et de la prédication. Les fonctions des derders se bornent à la célébration des offices journaliers et à l’administration des sacremens.

La résidence des catholicos a été aussi instable que les destinées politiques de leur patrie. Dans les temps anciens, à l’époque de la domination des Arsacides et des Bagratides, le patriarcat, fort de son unité, se maintint debout, à côté du pouvoir royal, dans les différentes capitales que ces souverains firent bâtir successivement, Valarsabad, Artaxate, Touin et Ani. La chute des Bagratides commença ses vicissitudes et son démembrement. Les catholicos, dépouillés du riche apanage qu’ils tenaient de la piété des monarques arméniens, n’eurent plus d’autre abri que celui qu’ils durent au hasard des circonstances. Relégués d’abord par les empereurs grecs dans un coin de la Cappadoce, puis retirés dans la partie du Taurus appelée la Montagne-Noire, ils parvinrent plus tard à se retrancher dans la forteresse de Hrom-Gla, sur l’Euphrate, qui leur fut cédée par la veuve de Josselin de Courtenay le jeune, et que les Égyptiens leur enlevèrent en 1293. Après avoir perdu Hrom-Gla, ils allèrent se fixer à Sis, alors capitale de la Cilicie, mais quatre-vingt-dix ans après, ce royaume ayant été détruit par les sultans mamelouks, le patriarcat, livré à la merci des infidèles et avili, fut scindé par la création d’un siège nouveau, érigé à Edchmiadzin, aux lieux mêmes où saint Grégoire l’Illuminateur avait eu la première révélation de son apostolat. La succession des patriarches ou catholicos de Sis s’est continuée jusqu’à nos jours, mais avec une autorité très amoindrie, et sous le bon plaisir des beys turkomans ou kurdes qui se sont cantonnés dans cette province reculée de l’empire ottoman. Le titulaire actuel habite le couvent dit de Saint-Grégoire, avec quelques moines, où il vit misérablement, toujours tremblant, sous le regard du chef des Turkomans-Iourouk, voisins de Sis, le terrible Schaderdji-Mehemet, qui réside dans la montagne, à Khussan-Oglou-Khan. Dans les premières années du XIIe siècle, l’île d’Aghthamar, dans le lac de Van, vit s’élever aussi un siège patriarcal, d’abord indépendant, mais qui finit par se soumettre à celui d’Edchmiadzin. Il a subsisté presque jusqu’à ces derniers temps.

Aujourd’hui le patriarche d’Edchmiadzin est reconnu par la majeure partie des Arméniens grégoriens, c’est-à-dire par la plus grande partie de la nation, comme leur véritable chef religieux, comme le légitime successeur de saint Grégoire. Le catholicos actuel, précédemment archevêque de Tiflis, Nersès, touche à sa