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Il effleure, oiseau fripon.
Le jupon
Et la main de la plus belle ;
Portant sur l’arbre voisin
Un raisin
Qu’il becquète en riant d’elle.

Sans doute, un jour, l’étourdi.
Engourdi
Par le jus divin qu’il aime,
Sans voir nos lacets subtils.
Dans leurs fils
Ira se jeter lui-même.

Aux chasseurs qui l’ont guetté
Sa gaîté
Le trahit sous le feuillage ;
La mort vient dans son plaisir
Le saisir…
C’est le sort rêvé du sage.


ADAH.

Voici l’urne où j’ai bu la divine liqueur.
Plus rien, plus rien n’y reste…
Et je garde, aujourd’hui, des voluptés du cœur
Un souvenir funeste.

Ô vous qui, dans nos prés où je dansais pieds nus.
Et d’où je suis proscrite.
Interrogez encor, sous vos doigts ingénus,
La blanche marguerite ;

Vous qui rêvez encor d’innocence et d’amour.
Enfant rieuse et blonde.
Le vent qui m’a porté doit vous porter un jour
Dans ce désert du monde.

Et, quand disparaîtra le mirage trompeur,
À moitié de la route,
Vous aussi vous aurez ma voix qui vous fait peur,
Et mes yeux qu’on redoute.

Car vous ne voudrez pas exposer votre deuil
À la foule qui passe ;
À défaut du bonheur, gardons au moins l’orgueil
Pour dernière cuirasse !